L'ouvrage présenté ici est le premier de Christian Rinaudo, chercheur (URMIS-SOLIIS, Unité de recherche « Migrations et Société » ; IRD, Unité de recherche « Constructions identitaires et mondialisation ») et maître de conférences en sociologie à l'université de Nice-Sophia Antipolis. Ses domaines de recherche sont multiples, il travaille notamment sur l'ethnicité et la stigmatisation urbaine, les discriminations et le racisme dans le monde du travail, les usages sociaux et politiques des identités urbaines, les espaces publics marchands et les circulations migratoires. La thèse qu'il soutient en 1998 sous le titre « La construction sociale de l'ethnicité en milieu urbain » sera publiée l'année suivante sous le titre L'Ethnicité dans la cité. Jeux et enjeux de la catégorisation ethnique . L'intérêt du champ ouvert par Rinaudo est d'articuler logiques urbaines et logiques sociales dans un même mouvement.
A partir du rapport entre l'usage des catégories ethniques et de la définition de la banlieue comme problème public, l'auteur va analyser le lien entre ethnicité et stigmatisation urbaine et soutenir la thèse selon laquelle la reconnaissance public du problème des banlieues entraîne une définition des situations et des évènements en termes ethniques et, inversement, l'usage des catégories ethniques ( qui sert à interpréter des situations et à décrire des évènements) contribue à la définition de la banlieue comme problème public (p. 11).
La démarche de Rinaudo s'inscrit dans une problématique de l'ethnicité qui place les processus d'attribution catégorielle et d'interaction au centre de l'analyse. L'ouvrage est la restitution d'un travail de recherche qu'il a réalisé en grande partie dans un quartier périphérique de la ville de Nice, le quartier de L'Ariane, le choix de ce terrain ayant été orienté par le fait que ce quartier est typiquement labellisé dans la région comme ‘'sensible'' et ‘'à problèmes''. Pour rendre compte des différents contextes sociaux dans lesquels il était fait usage des catégories ethniques, le chercheur a réalisé plusieurs enquêtes dont les principaux résultats seront présentés ici. La première partie sera consacrée à l'étude des articles de la presse locale et nationale ayant trait aux activités et aux évènements survenus à L'Ariane ; la seconde correspondra à l'étude ethnographique de contextes institutionnels tels que celui de l'école – ici d'un collège public – ou de l'action culturelle municipale – en particulier d'une salle de spectacles implantée dans le quartier ; et enfin, la troisième partie fera état de l' observation des interactions qui se jouent dans les transports urbains qui relient ce quartier au centre ville.
[...] D'une part, la municipalité souhaitait créer des activités culturelles pour la population du quartier et, d'autre part, désenclaver L'Ariane en faisant de cet équipement un outil susceptible d'intéresser une population extérieure. Rinaudo met en lumière cette volonté de satisfaire le plus grand nombre d'usagers qui passe par une programmation des spectacles qui tient compte de la spécificité de L'Ariane et de ses différents publics, identifiés en termes ethniques. Les approches en matière de politique promotionnelle sont elles aussi différenciées selon ces mêmes critères. [...]
[...] Rinaudo décèle un nouvel aspect de la configuration de cet évènement dans l'inscription des faits dans le champ pratique du traitement du problème des banlieues. Il constate que les diverses déclarations et réactions à cette fusillade appelaient à un règlement beaucoup plus global du problème lui-même. Il en déduit qu'en inscrivant cette fusillade dans ce champ, les journalistes ont ainsi contribué à la définir comme un évènement public qui sera problématisé sur le registre de l'action publique, mettant en cause les affaires publiques (la sécurité n'est plus assurée dans certains territoires, etc.) et demandant un certain type de traitement (le renforcement de la présence policière, la prévention de la délinquance, etc.). [...]
[...] Pour Rinaudo, cela revient à justifier la création d'un ‘'ghetto culturel'' pour ne pas exclure les élèves gitans d'un système scolaire qui en principe ne fait pas de distinction ethnique. Ces deux études montrent comment des catégories ethniques participent de la production de grilles de lecture de la réalité qui permettent aux acteurs institutionnels de définir le cadre et les modalités de leurs actions. Elles montrent également comment ces catégories constituent des ressources pour interpréter les situations auxquelles ces acteurs ont à faire et comment elles participent de la ségrégation. [...]
[...] L'objectif de désenclavement de L'Ariane est également passé par des stratégies de banalisation du théâtre et de ses abords comme un espace urbain qui ne serait pas directement touché par la mauvaise réputation du quartier. Ainsi, la municipalité à mis en place un parking très sécurisé, censé rassuré le public ‘'extérieur'' et un service d'ordre ethnicisé en fonction de la programmation. L'encadrement des concerts est confié selon les occurrences à des personnes très influentes parmi les Gitans ou les Maghrébins. Afin d'observer directement de quelle manière cette organisation influait sur le déroulement des spectacles, le chercheur a assisté à un concert de flamenco. [...]
[...] Rinaudo nous fait à nouveau voir la subtilité du jeu sémantique. Dans le chapitre ayant pour titre Les usages scolaires de la catégorisation ethnique Rinaudo nous livre le fruit de ses observations dans un collège de L'Ariane. Ici, son travail d'observation s'est focalisé sur le domaine particulier de l'encadrement de la vie scolaire. Il a constaté rapidement l'absence de règles applicables en toutes circonstances, obligeant ses intervenants attitrés à les négocier dans les relations interpersonnelles par la prise en compte de l'irruption de codes non scolaires dans l'établissement. [...]
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