Depuis l'essor du mouvement féministe au XX siècle et plus précisément depuis les années 1970, la « domination masculine » est de plus en plus attaquée et de nombreux auteurs ont écrit sur les relations entre les deux sexes ou sur la position de l'un ou l'autre dans la cité (Elisabeth Badinter XY. De l'identité masculine. L'un est l'autre; Geneviève Fraisse…). Pourtant selon Bourdieu, en ce début de XXI siècle, elle est loin d'avoir disparu, que se soit dans la société kabyle ou dans nos sociétés « modernes ». En effet, si Bourdieu préfère appuyer la majeure partie de son discours sur les exemples donnés par la société kabyle des années 1960 qu'il connait bien, ayant été envoyé en Algérie pendant la guerre, à partir de quoi il a réalisé plusieurs ouvrages sur le pays (cf. bibliographie de Bourdieu); il n'hésite pas à utiliser des exemples tirés de nos sociétés comme pour mieux nous prouver la persistance de la domination masculine. Certes, il contredit ainsi son objectif affiché d'éviter l'occultation involontaire de certains faits due à une trop grande familiarité avec l'objet étudié, objectif qui lui a fait choisir une société plus « exotique », mais cela nous montre bien à quel point les racines de cette domination sont profondes pour que des décennies de féminisme n'aient pas réussi à en affranchir l'Occident. Enfin, sa dernière raison pour avoir choisi comme objet d'étude la société kabyle de préférence à la notre est le fait que, contrairement à la société de la Grèce antique souvent prise comme modèle de comparaison, la société kabyle existe toujours. Sa position géographique fait qu'elle a été relativement épargnée par l'occidentalisation des pays issus de la décolonisation tout en étant suffisamment atteinte pour qu'elle puisse servir de référence même lointaine à nos sociétés et à la plupart des autres sociétés méditerranéennes en général.
P. Bourdieu utilise ici pour évoquer la domination masculine des notions qu'il a déjà définies dans des ouvrages précédents : l'habitus, les champs et l'économie des biens symboliques et, plus largement, tout ce qui concerne le symbolique (capital, entendu également pour des domaines autres que l'économie; violence symbolique…). Pour lui, l'habitus est la façon dont « l'extériorité s'intériorise », autrement dit comment les structures sociales s'inscrivent dans les corps et les esprits des agents. Au contraire les champs représentent une « extériorisation de l'intériorité » et deviennent ainsi des espaces relativement autonomes, organisés autour de relations, de ressources et d'enjeux qui leur sont propres (on a ainsi un « champ politique », un « champ culturel »…). Ce sont également des espaces de concurrence et de lutte pour l'appropriation des ressources spécifiques et des diverses formes de capital. Pour illustrer ces notions, Bourdieu n'hésite pas à employer un grand nombre d'exemples concrets.
Pour expliquer la domination, Bourdieu procède en trois étapes majeures qui correspondent au découpage des chapitres de son livre. Tout d'abord il analyse les manifestations, plus ou moins visibles, de la domination masculine (Une image grossie p.17-78), avant d'exposer les visions des deux sexes que cela engendre, en faisant référence notamment à Virginia Woolf (L'anamnèse des constantes cachées p.79-112), et de montrer par quels mécanismes se reproduit cette domination et son évolution (Permanences et changements p.113-152). Pour finir, il évoque plus particulièrement en annexe l'impact de cette domination sur les couples homosexuels, sujets de comparaison récurrents dans cet ouvrage (Quelques questions sur le mouvement gay et lesbien p.161-171).
On se détachera ici de la division formelle des chapitres que fait Bourdieu pour dégager les idées principales qui sous-tendent ce livre. D'abord, la façon dont les corps sont construits socialement, en insistant plus particulièrement sur les conséquences pour la gent masculine, avant d'aborder l'économie des biens symboliques, fondamentale puisqu'elle décide de la place de la femme dans le champ symbolique. Ensuite on analysera la façon dont la structure ainsi décrite se reproduit et son évolution dans le temps. Pour finir on fera un retour sur la définition de l'amour comme une trêve dans la domination masculine ainsi que sur l'homosexualité.
I. La construction sociale des corps
Cette construction des corps se fonde sur un système d'oppositions (grand/petit; chaud/froid; dehors/dedans ; clair/obscur ; droit/courbe…) qui lui donnent une apparence de nécessité à la fois objective et subjective. L'existence même de ce système et son acceptation par tous montre bien à quel point la domination masculine est dans « l'ordre des choses ». Et ce notamment grâce à un système mythico-rituel fortement développé. La division sexuelle se présente ainsi dans les choses et le monde social (état objectivé) et dans les habitus des agents (état incorporé, beaucoup plus pervers car pas toujours conscient et par conséquent pas toujours modifiable par une simple action de notre conscience).
[...] Cette phrase résume admirablement bien l'idée de Bourdieu à propos de la place de l'Église dans le système de reproduction de la domination masculine. Pour lui, il ne fait aucun doute que l'Église a un rôle important et fortement négatif dans la reproduction de la domination. Cependant, il faut nuancer ce propos. En effet, il ne s'attaque ici qu'à l'Église issue de la révolution industrielle et surtout bourgeoise, et par là si fortement néfaste pour la femme, du XIXe siècle. [...]
[...] Mais la figure de l'universitaire s'apparente également à celle du guerrier puisqu'il se nourrit aussi des valeurs de l'agressivité et de la compétitivité qu'il peut notamment exercer lors des disputes, qui représentent en fait un entraînement continu à la confrontation, à l'affrontement, à la joute oratoire et intellectuelle. En tout cas, une chose est sûre, les femmes restent totalement exclues de l'une des communautés masculines les plus rigides, les plus fermées et les plus durables de tout le Moyen Age. [...]
[...] Pour illustrer ces notions, Bourdieu n'hésite pas à employer un grand nombre d'exemples concrets. Pour expliquer la domination, Bourdieu procède en trois étapes majeures qui correspondent au découpage des chapitres de son livre. Tout d'abord, il analyse les manifestations, plus ou moins visibles, de la domination masculine (Une image grossie p.17-78), avant d'exposer les visions des deux sexes que cela engendre, en faisant référence notamment à Virginia Woolf (L'anamnèse des constantes cachées p.79-112), et de montrer par quels mécanismes se reproduit cette domination et son évolution (Permanences et changements p.113-152). [...]
[...] En effet, le corps de l'homme, ou tout du moins la vision que l'on en est tout autant un construit social que le corps féminin. Mais si ce dernier était construit comme une antithèse du corps masculin, on cherche chez l'homme à éradiquer tout ce qui pourrait être féminin et donc symbole d'infériorité. C'est particulièrement visible chez les Kabyles dans les rites présidant à la première coupe de cheveux d'un garçon, les cheveux étant considérés comme un attribut féminin et donc comme l'un des liens symboliques qui rattachent le garçon à sa mère et aux femmes en général. [...]
[...] Comparaisons Brésil-France-Japon, IRESCO, 1992). De même, on constate que bien souvent les femmes n'ont pas le titre correspondant à leur place réelle dans la hiérarchie du travail. Les visions masculine et féminine de la masculinité Pour traiter cette question, Bourdieu s'appuie fortement sur le roman de Virginia Woolf (1882-1941), Promenade au phare (To the Lighthouse, 1927) où comme dans beaucoup de ses ouvrages la trame du récit se limite presque à la vie intérieure de ses personnages (ici notamment Mr et Mrs Ramsay et leur fils James). [...]
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