L'amour de l'art est un livre coécrit par Pierre Bourdieu et Alain Darbel, paru en 1966, proposant une analyse sociologique des musées d'art et de leur public. Il établit le fait qu'il existe une très forte corrélation entre le niveau d'instruction des visiteurs (caractéristiques économiques et sociales) et leur fréquentation des musées. Il montre que les idéologies charismatique, du don et de l'oeil neuf sont en réalité des mythes et que la disposition cultivée permettant d'apprécier et de s'approprier les oeuvres d'art est le produit d'un conditionnement social que l'institution scolaire vient doubler, légitimer et voiler, contribuant ainsi à renforcer les inégalités sociales initiales. La théorie développée dans cette oeuvre s'applique également à l'ensemble des autres pratiques culturelles.
[...] La fréquentation assidue des musées suppose donc une adéquation entre les œuvres qu'il est donné aux visiteurs d'observer et leur niveau de compétence artistique, c'est-à-dire, leur possibilité de les déchiffrer et donc de se les approprier. En reprenant les termes du domaine de la communication, on peut dire que la réception du message émis se fait d'autant plus adéquatement que le niveau d'émission (des musées) et le niveau de réception (des individus) sont identiques. Ainsi, la structure du public des musées peut être considérée comme un indicateur approximatif du niveau de l'information qu'ils proposent, information considérée du niveau du baccalauréat Mais en réalité le niveau de l'information offert par chacun des différents musées ne peut être précisément défini, car leur contenu n'est presque jamais homogène et l'appréhension d'une même œuvre diffère selon la grille d'interprétation qui lui est appliquée (qui diffère elle-même selon les individus considérés). [...]
[...] A l'inverse, plus on est privé de ces moyens d'appropriation et moins on a conscience de cette privation. Conclusion Ainsi, la sociologie démontre en montrant quelles en sont les conditions d'existence, c'est-à-dire l'imposition et l'intériorisation, par les enfants des classes cultivées, d'un arbitraire culturel par l'éducation familiale et scolaire que la nature cultivée ou bien encore le goût inné ne sont que des mythes. De même, le sociologue ne souhaite pas réfuter la formule kantienne selon laquelle le beau est ce qui plaît sans concept mais montrer qu'elles en sont les conditions sociales de possibilité et comment la disposition et le goût cultivé ainsi que le plaisir esthétique qui les accompagnent, peuvent apparaître comme une seconde nature libre et libérée de la culture. [...]
[...] De même, l'intensité de la pratique culturelle dépend du niveau d'instruction. Elle augmente proportionnellement avec celui-ci. Mais à niveau scolaire égal, il subsiste tout de même, entre les individus, des différences au niveau culturel, qui s'expriment par des pratiques et des préférences artistiques différentes et s'expliquent par des caractéristiques secondaires. On constate, par exemple, que le fait d'avoir effectué ou non des études classiques est un facteur significatif mais qu'il n'est pas à lui seul suffisant. Il faut surtout se référer au niveau culturel de la famille d'origine de l'individu (qui correspond au niveau d'instruction et à la profession des parents). [...]
[...] C'est-à-dire qu'une information sur les musées (et par là une incitation à leur fréquentation) ne peut atteindre, intéresser, être comprise et à plus forte raison exercer une influence que sur les individus les plus cultivés. En bref, être atteint par l'appel à la culture et lui répondre est directement fonction du niveau d'instruction. On comprend alors l'échec et l'illusion des entreprises d'éducation populaire, qui pensent l'accessibilité physique et la simple confrontation avec les œuvres, comme conditions suffisantes pour déterminer une disposition durable à la pratique cultivée chez les classes les plus basses. En réalité, elles ne rencontrent de succès qu'auprès des destinataires réels de ce message, les intellectuels. [...]
[...] La seconde, elle, consiste à attirer un nombre plus important d'individus appartenant aux classes qui ne le fréquentent que peu ou pas du tout. La publication de catalogues, la modernisation de la présentation des œuvres ou bien encore l'animation d'une association peuvent alors permettre de réveiller et soutenir l'intérêt des classes cultivées pour le musée. Il en est de même pour la réalisation d'expositions, qui peuvent également être, pour certaines d'entre elles, utilisées comme tentative de démocratisation de l'accès à la culture On observe en réalité que celles-ci tendent à renforcer la structure habituelle du musée plutôt qu'à la changer et donc à y intégrer une part plus importante des classes les moins cultivées. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture