L'ouvrage abordé ici n'est pas un de ceux de Pierre Bourdieu et pourtant, nous pouvons dire que ce dernier n'est pas étranger à celui qui est présenté là. En effet, son travail critique sur l'institution scolaire, accompli pour l'essentiel en collaboration avec Jean-Claude Passeron, a connu une très grande notoriété mais a aussi suscité de nombreuses critiques parmi les sociologues de l'éducation qui ont mis en avant le point faible de la théorie de la reproduction : une proportion significative d'individus échappent aux déterminismes sociaux énoncés par P. Bourdieu et J.-C. Passeron, qu'il s'agisse d'enfants d'ouvriers qui réussissent à l'école, ou d'enfants de familles culturellement favorisées qui y échouent. Les travaux les plus connus qui se démarquent donc de cette approche jugée trop déterministe sont ceux de François Dubet sur l'expérience quotidienne des élèves à l'école, de Bernard Lahire sur la vie des familles ouvrières dont les enfants réussissent scolairement, de Bernard Charlot, Elisabeth Bautier et Jean-Yves Rochex sur le rapport au savoir des enfants de milieux populaires, de Claude Baudelot et Roger Establet sur la réussite scolaire des filles. Ces auteurs ont fait apparaître, parmi d'autres, que des configurations familiales, individuelles, scolaires, sexuelles ou de sociabilité peuvent être plus ou moins favorables à la réussite à l'école. Sans abolir les déterminismes sociaux, ces configurations interagissent avec eux.
C'est la problématique du rapport au savoir qui sera développée ici, principalement avec l'ouvrage collectif de l'équipe ESCOL Ecole et savoir dans les banlieues… et ailleurs dont l'approche permet de revisiter les représentations communes sur les difficultés d'appropriation des savoirs scolaires. Cette problématique du rapport au savoir n'est certes pas nouvelle, l'équipe ESCOL l'a cependant posée selon de nouvelles modalités. Ils vont proposer une approche microsociologique pour tenter de comprendre l'échec ou la réussite scolaire comme des expériences individuelles singulières, mais ayant néanmoins une origine et une histoire sociale. Car, même s'il existe une forte corrélation entre l'origine sociale des élèves et leur réussite, ou leur échec, la réussite ou l'échec de certains déconstruisent les évidences et conduisent à réfléchir sur la manière dont on pense et traite l'échec scolaire des enfants des familles populaires.
Les questions que posent les auteurs sont les suivantes. Premièrement, pour un enfant, notamment issu d'un milieu populaire, quel sens cela a-t-il d'aller à l'école ? Deuxièmement, quel sens cela a-t-il de travailler (ou de ne pas travailler) à l'école ? Troisièmement, quel sens cela a-t-il d'apprendre et de comprendre, à l'école ou ailleurs ? Les auteurs constatent que c'est en effet sur ces points que les différences sociales et singulières se transforment en différences scolaires.
La première partie de ce travail sera consacrée à la définition du concept de rapport au savoir ainsi qu'à la mise en place du protocole d'enquête par les chercheurs de l'équipe ESCOL, la seconde partie abordera le rapport au savoir des élèves de milieu populaire tel que les chercheurs l'ont mis en évidence dans leur ouvrage et, la troisième partie proposera quelques pistes de réflexion.
[...] C'est dans la théorie de l'activité de Leontiev que Charlot parvient à définir les mobiles de cette mobilisation. L'activité est un ensemble d'actions portées par un mobile et visant un but ; les actions étant les opérations mises en œuvre au cours de l'activité. Le but est le résultat que ces actions permettent d'atteindre. Charlot opère ainsi une distinction entre but et mobile, le mobile étant quant à lui le désir que ce résultat permet d'assouvir et qui a déclenché l'activité. [...]
[...] Ces élèves accordent une importance toute particulière à la norme (la conformité) et à la transgression, bien que cette importance soit plus significative chez les garçons que chez les filles. Les filles sont quant à elles plus soucieuses de la norme (bien se tenir) tandis que les garçons sont plus sensibles au respect qu'ils expriment en termes d'interdit et de transgression. Pour les auteurs, ces différences sexuées sont significatives d'une socialisation différente pour les filles et pour les garçons. Les filles sont davantage soumises à une obligation de bien se tenir tandis que les garçons, qui font plus de bêtises, sont soumis à une obligation de respect des adultes, notamment de leurs parents. [...]
[...] Chez ceux-là, l'école est un lieu où l'on se fait des copains. Pour les auteurs, il semble que la fonction de socialisation de l'école ait moins d'importance au regard de la fonction première, la fonction officielle de transmission des savoirs. D'autres, enfin, n'accordent guère de sens à l'école qu'ils disqualifient au nom du métier car pour eux, seule la vie active fait sens, ils la considèrent comme la vie''. Dans les bilans de savoir, le thème du métier est récurrent, que ce soit à Saint-Denis ou à Massy mais tous n'ont pas le même rapport au métier. [...]
[...] Lahire, cette fonction n'est pas à remettre en cause, mais il s'étonne que les sociologues considèrent cette fonction comme primordiale (car ‘'officielle'') et toutes les autres (la fonction d'insertion sociale et professionnelle par exemple) comme secondaires. Ce qu'il constate et regrette, c'est que l'analyse des auteurs repose sur le discours de l'école sur elle-même et le prend pour argent comptant. Un autre aspect de l'ouvrage a suscité un commentaire critique du sociologue. Dans le dernier chapitre consacré à l'école élémentaire, les auteurs livrent le fruit de leurs observations. [...]
[...] Les apprentissages évoqués par les collégiens dans les bilans de savoir sont, postulat méthodologique des auteurs, ceux qui font le plus sens pour eux. Ces bilans révèlent que pour les élèves de Saint- Denis, ce sont les apprentissages liés à la vie quotidienne qui présentent le plus de sens. Pour la majorité d'entre eux, les apprentissages intellectuels et scolaires sont pensés comme formes institutionnelles (écouter le professeur et faire le programme) plus que comme corps de savoirs. Pour ceux-là, travailler à l'école c'est s'acquitter de ses obligations professionnelles définies en termes de tâches et de conduites et non pas en termes d'acquisition de savoirs et de compétences. [...]
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