“L'œuvre d'Erving Goffman représente le produit le plus accompli d'une des manières les plus originales et les plus rares de pratiquer la sociologie : celle qui consiste à regarder de près, et longuement, la réalité sociale, à mettre la blouse blanche du médecin pour pénétrer dans l'asile psychiatrique et se placer ainsi au lieu même de cette infinité d'interactions infinitésimales dont l'intégration fait la vie sociale", Pierre Bourdieu, Le Monde, édition du 4/12/1982.
Goffman entreprend des études de sociologie à l'université de Toronto (1944) puis à l'université de Chicago (1945). En 1952 il part pour les îles Shetland, au nord de l'Écosse, observer la vie locale pendant douze mois. Il se fait passer pour un étudiant intéressé par l'économie agricole : en réalité, il collecte des données pour sa thèse de doctorat qu'il soutient en 1953. Déménageant en 1954 pour Washington, Goffman décide d'aller vivre plusieurs mois parmi des malades mentaux, au sein de l'hôpital psychiatrique de Sainte-Elisabeth à Washington, pour observer la vie des reclus. Enseignant à l'université de Californie de Berkeley depuis 1958, il est nommé professeur en 1962. Entre-temps, il a publié Asiles, sur la base de son séjour dans la clinique de Sainte-Élisabeth, introduisant la notion d'institution totale. En 1975, il publiera Stigmate.
[...] L'univers du personnel Goffman, après avoir observé et analysé les personnes dites recluses étudie l'autre côté de l'institution; celui du personnel encadrant. Selon lui, le personnel a pour tache de travailler sur des objets, des produits, qui sont en réalité des hommes. Il nomme d'ailleurs cette partie de l'ouvrage le matériau humain Il prend pour exemple un individu résidant en hôpital psychiatrique qui est tenu d'être toujours accompagné d'une série de renseignements sur ce qui lui a été fait, ce que lui même a fait, le nom de la dernière personne qui l'a pris en charge. [...]
[...] Le livre comme son titre l'indique, se présente comme une étude; celle de la condition sociale des malades mentaux. Cet ouvrage comprend donc les recherches, les observations et l'analyse qu'a pu réaliser Goffman dans son expérience. Résumé de l'ouvrage L'univers du reclus Il n'existe pas en français d'équivalent du mot inmate employé par l'auteur pour désigner des personnes enfermées dans un hôpital psychiatrique, une prison, un couvent, une école, un navire de guerre ou de commerce, une caserne, etc (Note des traducteurs p.41) Goffman énonce dès le début du livre: Cet ouvrage traite des institutions totalitaires en général, et des hôpitaux psychiatriques en particulier s'appuie de différents exemples et analyses pour démontrer sa thèse présente tout au long du livre qui dénonce les pratiques totalitaires des institutions. [...]
[...] L'auteur remarque dans les institutions le caractère égocentrique des individus, centrés sur leur personne, dans le besoin d'un apitoiement de soi. Le dépouillement de l'identité sociale en entrant dans l'institution fait régresser l'individu et lui donne une sensation d'échec personnel. Il a besoin de forger l'histoire de ses malheurs pour se justifier de son état, sa condition actuelle. Le retour vers le monde extérieur peut également être effrayant. Certains, paradoxalement peuvent provoquer de leur plein gré une situation ou un état qui va différer l'échéance de sortie. [...]
[...] Le personnel justifie ses actes par la commande institutionnelle. Le travail fait également partie des objectifs vers lesquels tend l'institution. Goffman appelle cela la réinterprétation du travail Il explique cela par le fait que contrairement à la vie courante, le travail en institution n'est pas motivé par un salaire mais par la fonction thérapeutique qu'apportent certaines tâches ( service de table, passer le balai . La personne se voit donc justifier son travail par le fait que cela lui réapprend à vivre en société et que son application est significative d'une certaine progression. [...]
[...] L'institution totalitaire serait donc une organisation sociale à part entière à l'origine de nombreux maux. Réflexion et commentaires personnels Le concept sur lequel l'auteur décide de débuter son ouvrage et sur lequel il s'attarde longuement dans sa description et son analyse qu'il me paraît intéressant d'aborder sont les techniques de mortification Elles illustrent la manière dont l'institution totalitaire prive les reclus de tous les moyens par lesquels, en temps normal, se constitue la valeur du Moi. Ces techniques de mortification du Moi vont de l'isolement avec le monde extérieur à la perte d'autonomie (par exemple, les adultes reclus doivent demander une autorisation pour téléphoner), en passant par la dépersonnalisation (entre autres par le port de vêtements standardisés) et la perte de contrôle des informations confidentielles (informations personnelles inscrites sur un dossier). [...]
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