Il présente dans Asiles une interprétation en profondeur de la vie hospitalière qui situe les pratiques thérapeutiques quotidiennes dans le cadre le plus objectif, celui d'une "institution totalitaire", c'est-à-dire d'un établissement investi, comme la prison ou le camp de concentration par exemple, de la fonction ambiguë de neutraliser ou de réadapter à l'ordre social un type particulièrement inquiétant de déviants.
La tension, et souvent la contradiction, qui existe entre l'exigence thérapeutique et ces impératifs de sécurité et de contrôle social rend compte du mode conflictuel de l'existence asilaire et des malentendus de la vie quotidienne au sein de l'hôpital.
Par delà les troubles de sa subjectivité, le malade mental est ainsi aliéné au second degré, parce que la maladie est institutionnalisée dans un espace social qui lui impose les déterminations majeures de la servitude.
L'auteur établit son ouvrage et donc sa théorie de l'institution totalitaire à partir de la description (et de son observation) de l'existence à l'hôpital psychiatrique telle qu'elle est vécue par les malades. Erving Goffman constitue donc sa théorie en même temps qu'il décrit ce qu'il a observé sur le terrain. Il m'est donc difficile de faire une analyse de cette observation que l'auteur a déjà analysée.
L'auteur, tout au long de son livre, montre donc que l'aliénation du malade ne dépend pas de sa maladie mais plutôt de l'institution : le malade en ressortirait plus malade qu'il n'y est entré...
[...] Chacun d'eux se fait une image de l'autre : le personnel imagine les reclus comme des êtres repliés sur eux- mêmes, revendicatifs et déloyaux, alors que les reclus trouvent le personnel tyrannique et mesquin. Le personnel se croit supérieur et ne doute pas souvent de son bon droit, les reclus se sentent inférieurs, faibles et coupables. Il y a peu d'échanges verbaux entre personnel de l'institution et reclus : ces derniers sont systématiquement tenus à l'écart par les premiers des décisions qui les concernent. [...]
[...] Il est donc difficile pour le personnel de rester maître de ses sentiments en toute occasion. Pour rester maître de ses sentiments mais aussi pour répondre et calmer les révoltes des reclus, le personnel de l'institution ne cesse d'invoquer les arguments définissant l'optique de l'institution, en parlant le langage institutionnel que les reclus devront ensuite décoder pour comprendre véritablement de quoi il est question. Dans les institutions totalitaires et plus particulièrement dans les hôpitaux psychiatriques, même le travail des reclus est repensé : les reclus effectuent des travaux humbles qui ont pour objectif officiel d'après l'institution de "les aider à réapprendre à vivre en société et l'aptitude et le zèle dont il fera preuve dans leur exécution seront interprétés comme une preuve diagnostique d'amélioration" (page 138). [...]
[...] L'auteur remarque néanmoins que les hôpitaux psychiatriques sont mal équipés, par rapport à la médecine généraliste, pour réparer. Si les hôpitaux psychiatriques ont les moyens nécessaires pour observer les malades, ils n'ont pas assez de personnels (le personnel présent est souvent débordé) notamment pour "assimiler leur conduite [celle des malades] au quartier à leur comportement à l'extérieur" (page 413) car certaines attitudes apparaissent ou d'autres disparaissent à l'entrée du malade en hôpital psychiatrique. Si l'hôpital psychiatrique éprouve des difficultés pour émettre un diagnostic, il en va de même pour administrer un traitement à un malade : selon l'auteur, "les hôpitaux psychiatriques ne dispensent jamais un traitement adapté à la nature de chaque forme de déséquilibre" (page 414), le traitement est appliqué à tout un groupe d'internés. [...]
[...] mais toutes ont en commun de prendre du temps à leurs membres et de leur procurer un univers particulier qui les enveloppe. Certaines institutions sont plus contraignantes que d'autres : elles dressent de nombreuses barrières entre leur monde et le monde extérieur. Ces institutions sont appelées "institutions totalitaires" et il en existe 5 groupes : - les organismes qui prennent en charge les personnes jugées à la fois incapables de subvenir à leurs besoins et inoffensives, - les organismes prenant en charge les personnes jugées à la fois incapables de s'occuper d'elles-mêmes et dangereuses pour la communauté, même si cette nocivité est involontaire (sanatoriums, hôpitaux psychiatriques . [...]
[...] Le malade va donc devoir s'adapter à l'institution : c'est "adaptation primaire". "adaptation secondaire" est pour le malade "un moyen de s'écarter du rôle et du personnage que l'institution lui assigne tout naturellement" et elle caractérise "toute disposition habituelle permettant à l'individu d'utiliser des moyens défendus, ou de parvenir à des fins illicites (ou les deux à la fois) et de tourner ainsi les prétentions de l'organisation relatives à ce qu'il devrait faire ou recevoir, et partant à ce qu'il devrait être" (page 245). [...]
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