Ce dossier s'articule autour de la problématique principale du corps. Le corps est ce qui peut paraître à première vue comme le plus évident, le plus intime et personnel de l'homme. Chacun a un corps, il est la condition même de son existence : toute action passe par le corps, mais la permanence de sa présence se fait bien souvent oublier et chacun évolue dans sa vie quotidienne sans avoir une conscience très nette de sa corporéité. Pourtant, le corps est loin d'être si évident. Il n'est pas non plus cette matière modelable selon la simple volonté de son « possesseur ». Le corps est avant tout une construction sociale : il n'existe pas, on ne voit pas des corps mais des hommes et des femmes… Dés lors se pose la cruciale question de la définition du corps, objet de la présente étude. Le référent corps renvoie à une multitude de représentations culturelles et sociales qui exclue toute universalité de ce terme. David Le Breton souligne bien que le corps n'est pas une nature immuablement objectivée par l'ensemble des communautés humaines et d'emblée donnée à l'observation de l'ethnologue ou du sociologue.
En considérant cette multitude de représentations et de conceptions sociales du corps selon les époques et les cultures, l'étude anthropologique du corps s'annonce particulièrement riche en découvertes sur les coutumes et les systèmes de pensée à l'œuvre au sein de chaque société. A partir du travail analytique sur ces données ethnologiques, sociologiques, historiques et psychologiques, il est possible d'étudier la représentation moderne contemporaine du corps en s'appuyant sur les influences décelables, les perceptions, les mouvements de mode, les rituels, les usages et techniques, les tabous, les décorations corporelles etc…
[...] A partir de ces considérations, une réelle socio-ethnologie du corps s'est développée qui se penche plus spécifiquement sur le corps. David Le Breton inscrit ses propres recherches dans cette dernière phase de l'évolution des sciences face au corps. Le corps est avant tout un référent ambigu, qu'il convient de définir au delà des nombreuses représentations qui lui sont associées : loin du dualisme issu d'une doxa traditionnelle, le corps, en effet, est une fausse évidence ; il n'est pas une nature mais une construction culturelle et un élément de l'imaginaire social qui varie d'un groupe à un autre. [...]
[...] La seconde partie est consacrée à l'apport fondamental de Marcel Mauss avec sa typologie des techniques du corps. Ensuite, nous nous sommes attachés à analyser les relations qui lient les représentations du corps à la culture spécifique des sociétés : les critères de beauté féminine sont en effet tout à fait relatifs et l'on ne peut pas donner de définition universelle de la beauté, tant celle ci dépend des cultures et des peuples. La beauté renvoie bien sûr à l'univers complexe des apparences, dont nous étudions dans la quatrième partie les impacts profonds dans les sociétés modernes, entièrement tournées vers les idéaux de beauté et vers les modèles médiatiques du corps parfait. [...]
[...] Néanmoins, Descartes constate que l'union du corps et de l'esprit reste nécessaire. La parabole du morceau de cire de Descartes dénonce la sensorialité et l'imagination humaines comme causes de nos erreurs, en opposition à la Raison qui seule permet d'atteindre la Vérité : le corps est donc l'obstacle à la connaissance, il est surnuméraire. Cette conception inédite du dualisme réduit le corps à l'automate : il n'est plus qu'un système de rouages plus ou moins bien agencés, ce qui justifie la rationalisation du monde et du corps: l'utilisation instrumentale du corps dans le taylorisme aligne l'homme sur les autres machines de production, tel un appendice vivant de la machine Dés lors, l'histoire de la science et de la technique rejoint celle des corrections opérées sur les insuffisances du corps, cette machine imparfaite et fragile. [...]
[...] L'uomo universale apparaît, il s'affranchit du religieux et prend conscience de sa responsabilité personnelle. L'évolution de la géographie du visage est aussi un indice pertinent pour repérer l'émergence de l'individualisme: d'abord centré sur la bouche, béante, avide de boisson et de nourriture, le visage se définit ensuite, avec l'avènement de la culture savante, par les yeux, organes de la distance permettant la communication tout en maintenant une réserve. L'art pictural traduit aussi le cheminement vers l'individualisme avec l'essor du portrait individuel où le visage devient l'attribut essentiel de l'individu. [...]
[...] Le corps est complètement connecté à des représentations culturelles, d'ailleurs une forme de thérapie traditionnelle au Sénégal, le Ndop, intervient justement dans ces zones incertaines à notre regard occidental. Il suffit de manger à coté ou avec des Vietnamiens pour constater que si ces derniers ont à peler une orange, le couteau "tournera" dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, et bien entendu aussi à l'inverse de la manière dont les Français opèrent généralement. Cet usage d'une technique du corps parce ce qu'il se transmet sans conscience n'est pas justement considéré comme une technique. [...]
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