Alain Touraine, La production de la société, Paris, Seuil (1973)

Résumé du document

Né en 1925, Alain Touraine est encore en vie aujourd'hui, ces principaux objets de recherche sont le travail ouvrier qu'il nomme la « société post industrielle » et ce qu'il appelle les mouvements sociaux comme les mouvements écologistes, étudiants, féministes ou régionalistes ; il puise ses racines dans la sociologie de Friedman avec qui il a travaillé. En 1970, il fonde un laboratoire de recherche qui se nomme le centre d'étude des mouvements sociaux au CADIS (centre d'analyse et d'intervention sociologique), il a autour de lui des collaborateurs encore productifs aujourd'hui comme François Dubet qui fût son étudiant.
Dans cet extrait de La production de la société, Alain Touraine nous explique sa vision des mouvements sociaux. En effet, un mouvement social est un ensemble d'actions, de conduites et d'orientations collectives mettant partiellement ou globalement en cause l'ordre social et cherchant à le transformer.
Comment se définit un mouvement social ? Quelles transformations a apporté la société postindustrielle ? Avec quels principes prend vie un mouvement social ?

Extraits

[...] De plus, l'historicité est une intervention volontaire des sociétés sur elles-mêmes, elle est présentée comme l'enjeu central des conflits et des mouvements sociaux. Les hommes créent collectivement la société dans laquelle ils vivent. Il n'existe pas d'organisation sociale qui ne soit pas l'œuvre des hommes. En conséquence, les hommes sont en droit de la transformer. Mais ces idées ne vont pas de soi. Les membres de certaines sociétés estiment au contraire que l'ordre social leur est donné par la nature et qu'il ne doit pas être modifié. [...]

[...] Touraine nomme historicité cette capacité qu'a la société à agir sur elle-même. Cette historicité dépend de trois éléments : Du mode de connaissance qui offre aux membres de la société une représentation de cette dernière, des relations sociales et de la nature. De l'accumulation et de tout ce qui est cumulable par la société (le capital, les connaissances . ) Du modèle culturel, c'est-à-dire de l'attitude de l'homme face à la créativité. Alors que les sociétés primitives se réfèrent à la tradition et intègrent difficilement la nouveauté, les sociétés modernes valorisent, au contraire l'innovation. [...]

[...] Le principe d'identité est l'élément clef du mouvement social, l'identité de l'acteur je cite ne peut pas être définie indépendamment du conflit réel avec l'adversaire et de la reconnaissance de l'enjeu de lutte. La classe ouvrière incarne ce principe d'identité, elle a un but commun, vise le même adversaire, ils sont engagés dans une lutte commune. De plus, le principe d'opposition complète celui d'identité. En effet, un mouvement social a conscience de son existence, de son identité s'il peut nomme un adversaire. [...]

[...] Il est important de se rappeler que les mouvements sociaux peuvent être de natures différentes, qu'ils se distinguent des conduites collectives, qu'ils représentent un affrontement d'idées opposées, qu'il représente un enjeu et que l'on trouve toujours un contre mouvement qu'il l'oppose. Pour lui, les sociétés agissent sur elles-mêmes, il nomme ce principe historicité Dans les sociétés industrielle et postindustrielle, la science est omniprésente, la créativité et l'accumulation du capital prend une place importante et majeure. L'historicité est donc encore plus forte dans ces sociétés qui laissent une place moindre à la nature. [...]

[...] On parle d'opposition si l'acteur est confronté à une force sociale générale. La dimension du conflit est essentielle, tous les mouvements sociaux ne sont pas totaux. Enfin, un mouvement social ne se définit pas uniquement par le conflit, ils possèdent un principe de totalité. Les deux adversaires se disputent ce principe. Un mouvement social n'est pas forcément global, cependant plus il est important et plus il est global. Ces trois caractéristiques sont liées, le principe d'identité est l'instrument de séparation entre l'opposition et la totalité. [...]