La première conception, jusque-là dominante, semble provenir plus de considérations théoriques ou idéologiques sur la société que de l'observation objective des faits et c'est par un simple, et lumineux, retour aux données ethnographiques que M. Sahlins va la démonter et montrer que l'économie des sociétés primitives ne peut être pensée ni comprise avec les schémas de la pensée économique orthodoxe construits pour l'étude de l'économie de marché et remontant à A. Smith.
Ainsi, dès son introduction, l'auteur annonce expressément son objectif : « constituer une anthropologie économique, définie par opposition aux interprétations de l'économie et de la société primitive en termes d'économie de marché ».
Cette anthropologie économique, M. Sahlins va la dessiner en distinguant et en étudiant successivement trois champs d'analyse
[...] Parenté et distribution L'intensité économique est soumise à différents facteurs sociaux : structure de la parenté, ordre politique (systèmes de la chefferie, du big man). Les rapports de parenté entre les différentes maisonnées contribuent à contrer les forces centrifuges du M.P.D., à faire échec au souci de la maisonnée de subvenir à ses propres besoins uniquement. Le groupe de production et la redistribution ne sont plus limités aux parents appartenant à la maisonnée, elle est élargie à tous les parents collatéraux. [...]
[...] On s'aperçoit donc bien de l'imbrication réciproque du politique et de l'économique dans ces sociétés. Cette thèse de l'imbrication est encore défendue dans le chapitre 4 dans lequel l'auteur procède à l'étude et à l'interprétation d'un texte fondamental de l'anthropologie : L'essai sur le don de Marcel Mauss. Dans cet essai, Mauss met en lumière la triple obligation associée au phénomène du don qui est d'origine sociale (ou "sociétale") pour les uns ou presque mystique pour les autres : si la première obligation est celle de donner, celle-ci s'accompagne toujours de l'obligation, pour celui qui reçoit ce don de l'accepter et, à terme, de rendre un autre don en retour. [...]
[...] peut être assimilé à une sorte "d'état de nature" (au point de vue politique) du fait de la dispersion des maisonnées et de l'absence d'interdépendance et de pouvoir commun. Après avoir mis à jour les propriétés récurrentes du M.P.D., Sahlins met en évidence l'impossibilité de penser le phénomène économique primitif à l'extérieur du politique. Ainsi, l'idéal d'autarcie économique des sociétés primitives renvoie à l'idéal d'indépendance politique. Pourtant la dispersion des maisonnées et les forces centrifuges de la société tribale sont contrebalancées par l'existence d'une interdépendance et d'un pouvoir commun aux maisonnées, que l'on peut mettre en évidence en étudiant la distribution des biens entre les différentes unités familiales. [...]
[...] Dans la "circulation simple de marchandises", une marchandise M est échangée contre une marchandise car ces deux marchandises ont des valeurs d'usage différentes qui peuvent chacune être plus utile aux personnes prenant part à l'échange, l'argent A ne joue ici qu'un rôle d'intermédiaire et n'est par rechercher pour lui-même. A l'inverse dans la "circulation complexe de marchandises" ce ne sont plus les valeurs d'usage qui sont comparées mais les valeurs d'échange et la finalité n'est plus la satisfaction des besoins mais le profit. [...]
[...] Quoiqu'il en soit et en conclusion, cet ouvrage a le mérite d'apporter un éclairage neuf et sans préjugé sur l'économie des sociétés primitives. Comme après tout voyage, notre regard sur notre propre société est transformé et aiguisé après ce détour par ces contrées lointaines. Pour autant, cette lumière nouvelle apposée à notre système économico- social ne pourra mener à une réelle compréhension de celui-ci que si elle s'accompagne d'observations et d'analyses directes de l'économie dans laquelle nous vivons et qui assure notre abondante subsistance. [...]
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