Dans son livre En quête de respect, le crack à New-York, Philippe Bourgois nous raconte de quelle manière son travail avec les vendeurs de crack dans le quartier new-yorkais de East Harlem l'a mené à la dépression.
En fait, entraîné par surprise vers le sujet brûlant du viol collectif, l'auteur a tout d'abord failli abandonner totalement son enquête, victime d'un brusque rappel à la réalité quant à la culture bien spécifique des vendeurs avec qui ils passaient ses journées. Il s'est par la suite demandé si le sujet devait être abordé dans son ouvrage, de peur que les lecteurs ne déshumanisent totalement les enquêtés.
Nous allons voir à travers différents exemples, que même si, comme le dit Olivier de Sardan dans Enquête, « un apprenti apprend tout en faisant », l'ethnologue a tout un arsenal d'approches pour obtenir le maximum d'informations et produire un travail de qualité.
Mais, étant d'abord et avant tout une relation humaine, nous allons voir que le travail de l'ethnologue nécessite non seulement l'utilisation de tout un ensemble de techniques dans son rapport à l'autre, mais également en parallèle de faire un travail sur soi-même.
[...] Cette prise en compte permet de réaliser que l'étude faite à un instant T ne saurait être similaire si on la faisait quelques années plus tard. C'est ce que Schwartz fait lorsqu'il évoque la situation sociale des ouvriers, ou ce que Lévi-Strauss fait également lorsqu'il évoque les impacts de la colonisation. ( Enfin Lévi-Strauss nous enseigne également que dépasser les barrières culturelles nécessite un travail préalable, afin d'éviter de rester dans le superficiel. Cette idée, qu'on ne peut évidemment pas retrouver chez Malinowski puisque le courant fonctionnaliste ne s'intéresse pas à l'histoire, Lévi-Strauss l'illustre bien lorsqu'il rencontre les Indiens Mundé. [...]
[...] On va voir en outre les quelques dangers que l'ethnologue se doit d'éviter. Vertus ( De Sardan évoque, en parlant de sa politique de terrain ce qu'il appelle la triangulation Selon lui, afin d'approcher au plus près la réalité, l'enquêteur doit être capable de croiser les données délivrées par les informateurs triangulation simple de varier les informateurs selon leur rapport au point étudié triangulation complexe enfin de s'intéresser également aux groupes stratégiques (qui correspondent à des ensembles de personnes ayant le même rapport avec le point étudié) ainsi qu'aux groupes et individus marginaux dont le point de vue externe au système permet d'apporter un éclairage différent. [...]
[...] Par exemple, alors que Malinowski se trouve sur en bateau en Nouvelle- Guinée, avec à son bord une dizaine d'indigènes, celui-ci écrit je me faisais l'effet d'un sahib De même il nous raconte qu'un matin il a réclamé à grands cris son chocolat. Ces deux éléments illustrent bien le fait que, si on se replace dans le contexte de l'époque (en 1917), Malinowski endosse parfois le rôle du colonisateur. Ce sont deux exemples un peu anodins mais cette difficulté à rompre avec sa propre culture peut aussi représenter un frein au travail de terrain. [...]
[...] (Le premier concerne la langue. Dans leur enquête de terrain Malinowski et Lévi-Strauss tiennent tous deux, en plus de leur carnet, un livre recensant tous les nouveaux mots et leur signification, arrivant ainsi à constituer des dictionnaires rudimentaires. Un exemple attestant de l'importance de la langue nous est donné par Lévi- Strauss. Alors que celui-ci se prépare à repartir en expédition pour le centre du Brésil, il sélectionne différentes perles pour servir de monnaie d'échange, en faisant attention particulièrement aux couleurs choisies, puisque certaines n'ont pas de nom chez eux. [...]
[...] En fait, de même qu'il faut dépasser les barrières culturelles pour approcher les indigènes, il faut également éviter, une fois qu'on en connaît, de faire des rapprochements et des généralisations hâtives. L'objectif est donc, selon de Sardan, de faire mentir le proverbe bambara disant : l'étranger ne voit que ce qu'il connaît déjà ( On peut également être amené à considérer le problème qui consiste à se sentir trop à l'aise dans le groupe concerné. Pour donner juste un exemple on peut se reporter à Bourgois qui, se sentant à son aise avec un des pontes de la drogue du quartier, Ray, lui montre un journal comportant un article sur ses travaux, oubliant que beaucoup des habitants du coin sont analphabètes. [...]
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