A l'évidence, la perception sociale du handicap représente un enjeu de taille pour les personnes handicapées dans leur quête d'égalité en ce qui concerne l'insertion en milieu professionnel. Elle constitue un espace de recherche majeur, nécessitant une approche pluridisciplinaire complexe, tant le handicap suscite une gêne sociale du fait de son caractère étrange qui entretient diverses formes de rejets.
La problématique du handicap, et par là même sa perception, restent encore de nos jours difficiles et semblent plus que jamais sur la sellette à l'heure de l'arrêt Perruche du 17 novembre 2000 et du décryptage du génome humain. Autant d'évènements importants qui amplifient et entretiennent un certain flou, quant à la vision des déficiences en société, déjà présent au vu, par exemple, des résultats mitigés des dispositifs législatifs visant à l'intégration professionnelle des travailleurs handicapés. Quoiqu'il en soit, tous ces évènements, et notamment l'arrêt Perruche, ont rappelé à tous, s'il en était encore besoin, que les inégalités font partie de ce monde et sont inhérentes à l'espèce humaine. Plus qu'un rappel, un véritable débat qui soulève non seulement des interrogations nécessairement éthiques et étiologiques, mais aussi sociales, et qui demande un approfondissement épistémologique. Les tenants et les aboutissants de tels travaux sur le sujet peuvent être remarquables puisque le handicap représente un formidable concentré de notre société. Il renferme l'ensemble des interrogations, des contradictions et des problèmes de la vie en société. Il symbolise et exacerbe tous les paramètres des relations sociales et synthétise en lui seul toutes les difficultés de la vie en groupe dans un cadre donné. Autrement dit, c'est un révélateur de notre société .
Une telle démarche demande toutefois beaucoup de temps et s'inscrit dans un axe de réflexion aussi vaste qu'intéressant. A ce titre, et compte tenu de la spécificité du monde du travail, mes recherches s'évertueront d'observer, comprendre et expliquer la perception professionnelle du handicap, en attendant plus. Une approche de la perception qui s'explique par les caractéristiques de notre société de masse (consommation et production de masse) où le mode de production capitaliste s'impose à nos modes de vie. Dès lors, le travail représente le point de repère et la norme d'intégration prédominante. C'est le signe de ralliement et le moteur des relations sociales par excellence. Le monde du travail représente, de fait, la normalité sociale et chacun prétend s'y insérer afin de faire partie intégrante de notre société. Les politiques d'insertion successives justifient cette vision productiviste de notre civilisation.
La reconnaissance passe donc en majorité par le travail et tous ceux en étant privés sont perçus de façon étrange, entretenant ainsi une certaine forme de rejet. En effet, le travail est lié au sentiment d'identité personnel, c'est une source de valorisation individuelle et un moyen d'insertion sociale. Les travaux d'Hélène Riffault démontrent d'ailleurs que « le travail demeure une valeur importante, juste derrière la famille, loin devant les amis, les loisirs, la religion… Les européens aspirent à un travail non seulement en raison du revenu qu'ils en tirent mais aussi en raison de l'insertion sociale qu'il procure et du rôle que, pour sept européens sur dix, il est supposé exercer dans l'épanouissement des individus » . De plus, elle ajoute que « la capacité à avoir un emploi rémunéré est non seulement requise pour être reconnu comme citoyen à part entière mais a été intériorisée par la plupart d'entre nous comme étant nécessaire à une vie d'adulte indépendant et moderne ». De ce fait, on comprend l'intérêt d'une étude sur la perception professionnelle du handicap qui soulève une double dialectique avec, d'une part, l'intégration sociale des personnes handicapées et, d'autre part, l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Autrement dit, les personnes handicapées doivent évidemment surmonter leur handicap, et surtout la perception qu'en a l'opinion publique, du fait même de son existence et surmonter celui-ci dans le processus d'insertion professionnel. (Or, si nombre de sans-emplois deviennent des handicapés sociaux, qu'en est-il des personnes handicapées qui le sont à la fois intrinsèquement et socialement en raison des difficultés à trouver un emploi en milieu ordinaire ?)
Ce processus dialectique, dû à l'inadaptation de la personne handicapée et à la relativité du handicap - qui s'inscrivent l'un et l'autre dans un processus individu/société et histoire du handicapé face à son handicap-, naît du postulat que l'exigence d'une conformité minimale des conduites et des attitudes fonde toute société . Si elle est niée, ce sont les bases même de l'équilibre social qui sont menacées.
Il en résulte que l'inadaptation constitue un handicap et dans une certaine mesure, le handicap une inadaptation, même s'il est probable que chacun d'entre nous admette que si tout handicapé n'est pas inadapté, tout inadapté est un handicapé. Il en est ainsi et de même de la perception du handicap en milieu professionnel qui semble être pris dans son acception, non seulement de différence, mais aussi et surtout d'inadaptation en ce sens qu'une personne présentant une infirmité est perçue comme un frein ou un poids pour l'entreprise ; comme semble le confirmer les chiffres. En effet, si la loi du 10 juillet 1987 prévoit que les entreprises ayant au moins vingt salariés doivent avoir 6 % de travailleurs handicapés dans leurs effectifs, seulement 4 % se trouvent effectivement dans cette situation à l'heure actuelle.
Ces statistiques s'inscrivent dans la droite lignée de la désignation sociale du handicap et confirment la connotation négative associée à cette dénomination. Effectivement, tous les termes relatant du handicap évoquent une peur et une gêne de celui qui n'est plus dans nos normes habituelles, entraînant ainsi une désorganisation de nos compréhensions acquises et de nos valeurs établies. La malformation, l'infirmité, la débilité, l'impotence ou encore la déficience rentrent dans ce cadre de définition, dramatisant la différence parce que la société n'est pas organisée pour « ça » .
Par analogie avec la perception du merveilleux –sur lequel nous reviendrons d'ailleurs dans l'historique du handicap-, on peut vraisemblablement dire que l'infirmité provoque un certain vertige cognitif dans l'imaginaire collectif. Par vertige cognitif, on entend un trouble de l'entendement qui correspond à un contexte de désinformation émotionnel à la vue, par exemple, de quelque chose d'inhabituel. C'est dans cette perspective qu'il convient de traiter la perception sociale du handicap, au sens global du terme, et plus particulièrement la perception professionnelle. Il paraît d'ores et déjà acquis qu'il existe des liens évidents entre les deux en terme d'influence de l'un sur l'autre.
On peut dès lors se demander en quoi la perception du handicap joue-t-elle sur l'insertion des travailleurs handicapés en milieu professionnel ordinaire ? En d'autres termes, une meilleure perception du handicap peut-elle permettre une meilleure insertion professionnelle ? Qu'en est-il, justement, de cette perception au niveau des principaux acteurs du monde de l'emploi et celle-ci est-elle conforme à la vision générale et commune des personnes handicapées ?
Pour reprendre Pascal Doriguzzi dans ce qu'il appelle le rapport du handicap avec le monde et du handicapé dans sa vie quotidienne : « Se connaître, connaître sa place dans la société et les motifs de celle-ci représente un enjeu social pour le(s) handicapé(s) ». Mon approche se veut sensiblement égale et pourtant différente parce que l'intérêt de ces recherches se situe plutôt du côté du rapport du monde avec le handicap et non l'inverse (bien qu'il importe peu l'angle d'attaque puisqu'au final on en revient à la conception de ce dernier). En quelque sorte : « Connaître les personnes handicapées, connaître leur place dans la société et les motifs de celle-ci représente un enjeu social pour les non handicapés dans l'approche des différences ». Le phénomène social que constitue le handicap se manifeste à travers les relations interpersonnelles et les attitudes des non-handicapés à l'égard du phénomène. Apparemment, les particularités dont les individus sont porteurs prennent le pas sur leur personne et la ou les différences s'amalgament aussitôt avec l'incapacité et l'inadaptabilité.
[...] Le décret fixe les conditions physiologiques de l'enseignement, tandis que l'arrêté énumère les cas physiques d'interdiction à l'enseignement. Les frais de séjour étant pris en charge par l'état ou un organisme de sécurité sociale. La redevance, fixée par jour ouvrable, est de six fois le montant du SMIG horaire. Certes, le raccourci est facile mais il résume assez bien la situation. Le même jour que celle relative aux institutions sociales et médicaux sociales. Entre temps, le 13 juillet 1971, les personnes handicapées perçoivent l'allocation aux adultes handicapés. [...]
[...] Dans tous les cas, il est important de noter que mon raisonnement consistait à définir le rapport du monde avec le handicap et non l'inverse (cf. p. 3). A travers ces entretiens, il s'agissait de déterminer en quoi et comment l'insertion pouvait être freinée par la mauvaise - perception qu'en avaient les acteurs eux-mêmes. Sous cet angle, il importait d'émettre un certain nombre d'hypothèses, recueillies au fil d'un travail de documentation conséquent, susceptibles de retranscrire l'approche professionnelle du handicap, à savoir : - Le terme de handicap est rédhibitoire à l'embauche. - Le concept de handicap est beaucoup trop vaste. [...]
[...] L'essentielle commission en matière d'emploi est bien évidemment la commission RQTH. De ses décisions dépend la reconnaissance de l'aptitude à travailler des individus handicapés. En cela, la COTOREP constitue le premier maillon de la chaîne d'insertion puisque c'est elle qui donne le statut de travailleur handicapé. En résumé, elle apprécie le taux d'incapacité et attribue des allocations compensatrices, logement, adultes handicapés, carte d'invalidité Elle oriente les travailleurs handicapés vers une formation professionnelle. Les travailleurs handicapés ainsi nommés bénéficient de droits et avantages conforment à leur statut. [...]
[...] L'infirme, en particulier, devient l'image du Christ et permet au riche d'assurer son propre salut en lui faisant l'aumône[18]. Plus que de la tolérance, c'est le réel qui engendre une intégration indifférenciée. Sous la tutelle de l'église, la charité prend la forme de l'inscription des pauvres à une paroisse, ou un couvent, dont ils reçoivent un secours hebdomadaire. Par suite, à la fin du XIIème siècle, des hôpitaux, appelés également maisons-Dieu, sont construits à la place des asiles grâce au fonds collectés, par les membres du clergé, auprès des seigneurs et bourgeois désireux d'assurer leur salut. [...]
[...] Le détonateur, qu'elle a constitué, a élevé au rang des plus sacrés de la nation la solidarité pourtant déjà considérée comme vertueuse depuis la révolution de 1848. Sorte de gage à l'égard des handicapés, elle a poussé le législateur à intégrer ce public marginalisé dans les rouages de la société passant désormais par le milieu professionnel. Interface omnipotente à la question de l'intégration, le travail demeure le plus sûr moyen d'acceptation définitive et totale de la déficience par la société. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture