Avant de se lancer dans l'interprétation sociologique des faits observés, il faut savoir que ces faits ont été observés lors d'une situation locale, momentanée. Pour avoir une interprétation plus complète, il faudrait observer d'autres périodes ainsi que d'autres endroits. Cela permettrait alors de s'intéresser à des périodes où l'affluence est plus importante et de voir d'autres employés, de noter ainsi les différences pouvant apparaître entre leurs attitudes.
Le fait d'afficher des coupes et des diplômes dans le salon est une façon de prouver sa compétence au client. C'est une compétence reconnue par différentes instances. On peut dire, dans une certaine mesure, que les diplômes rendent la compétence tangible. Elle est visible aux yeux du client et ne peut être mise en doute.
Cette notion de compétence apparaît également à travers le vocabulaire de la coiffeuse la plus ancienne. Lorsqu'elle discute avec les clientes de la coiffure qu'elle réalise, elle utilise en abondance un vocabulaire technique. Celui-ci n'est pas forcément nécessaire ou enrichissant pour la conversation, mais il met en avant le savoir technique de la coiffeuse. Il s'avère nécessaire parfois pour répondre aux critiques d'une cliente un peu trop difficile. On voit par exemple que quand la cliente déclare avoir une couleur « trop terne », la coiffeuse au contraire insiste sur le fait que la couleur est réussie puisqu'il n'y a pas de démarcation et le prouve en expliquant de quelle manière elle apparaîtrait. En montrant plus ou moins implicitement ce statut au client, la coiffeuse lui donne une bonne raison de revenir : il est rassuré et préférera être pris en main par quelqu'un de compétent.
[...] Elle essaye de détourner le sujet en engageant une conversation assez banale : le mauvais temps actuel. La coiffeuse numéro 3 sort de la pièce privée, fait le tour du salon sans adresser la parole à qui que ce soit et retourne dans la pièce privée, nous ne la reverrons plus. Sophie arrive finalement à un résultat qui satisfait sa cliente, malgré tout Sophie lui explique que ce n'est pas censé être comme ceci Vous voyez, la raie ne devrait pas tomber ici mais la cliente ne l'écoute pas et lui explique qu'elle préfère comme ça Le désaccord tourne en faveur de la cliente. [...]
[...] Un client sort, dit au revoir à son coiffeur en le tutoyant et lui donne rendez-vous dans la soirée je t'appelle, on se voit ce soir ! Sophie continue de coiffer la cliente et lui met un petit coup dans sa boucle d'oreille, par inadvertance, elle s'excuse, puis dit à la cliente qu'il vaut mieux enlever ses boucles d'oreilles lorsque l'on va chez le coiffeur. Pendant le séchage, la cliente demande à ce que la mèche de devant soit plus courte et s'excuse de son exigence. [...]
[...] La cliente lui répond à nouveau qu'elle n'est pas brillante et même un peu terne La coiffeuse ne semble pas remarquer la réponse et coupe le sèche-cheveux. La cliente se touche les cheveux et essaie de les mettre en place elle-même. La coiffeuse tente à son tour de positionner la raie de l'autre côté, mais les cheveux reviennent toujours dans la même position. La cliente rappelle que la dernière fois ils n'étaient pas coiffés comme ça, ils étaient un peu plus rebiquant La coiffeuse recommence donc le brushing tout en lui réexpliquant que le soin a alourdi les cheveux et que par conséquent ils ne peuvent pas se placer comme elle le désirerait. [...]
[...] Marie répond qu'elle travaille dans ce salon depuis à peine trois mois. Pendant ce temps, Sophie prépare son atelier puis une fois terminé, donne des conseils à Marie pour le shampoing. La musique est toujours présente, il s'agit de musique globalement calme. La cliente relève légèrement la tête, Marie appuie dessus d'un geste un peu brusque pour lui signifier de garder la tête baissée. Le shampoing se termine, Sophie donne un ordre à Marie sur un ton un peu sévère Tu l'installes sur le fauteuil s.t.p.» ce qui ne plait que moyennement à Marie qui répond timidement Ca je sais, j'allais pas la laisser ici Marie installe donc la cliente sur le fauteuil réservé à cet effet. [...]
[...] Dans notre cas, la cliente qui n'était jamais contente semble être une mauvaise cliente. Cependant, le service se réalise en totale interaction avec le client ce qui oblige la coiffeuse en front office à garder un sourire de façade, une attitude correcte et se soumettre aux désirs de la cliente. Elle ne pourra exprimer son mécontentement qu'une fois la cliente partie. La deuxième cliente qui ose à peine protester lorsqu'elle trouve l'eau trop chaude sera plutôt considérée comme une bonne cliente Elle acceptera immédiatement de ne pas se faire coiffer par sa coiffeuse habituelle et ne remettra jamais en cause les recommandations ou même les compétences des coiffeuses. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture