La pratique du tatouage connaît un succès grandissant dans les sociétés dites « occidentales ». Mais cette pratique est millénaire et le tatouage s'est exercé dans des cultures et des sociétés très différentes. Le tatouage est un signe inscrit sur la peau par injection d'une matière colorée. Son caractère définitif, indélébile, le différencie du dessin sur la peau. Les motivations des individus qui se tatouent, les fonctions sociales du tatouage, sont très diverses. Le plus souvent dans les sociétés traditionnelles, le tatouage a été un marqueur identitaire, permettant d'affirmer l'appartenance à un collectif. Qu'en est-il aujourd'hui ? Peut-on comparer la pratique du tatouage dans les sociétés traditionnelles et occidentales ? Le tatouage sert-il toujours à définir son identité (collectivement ou individuellement) ou a-t-il d'autres fonctions ? En définitive, le tatouage est-il toujours un marqueur identitaire ?
[...] Le tatouage est-il encore aujourd'hui un marqueur identitaire ? Dans les sociétés occidentales, le tatouage a longtemps été signe de déviance avant de devenir un marqueur permettant à l'individu d'affirmer individuellement son identité. Au Moyen-âge, en Europe, le corps est considéré comme œuvre de Dieu et intervenir sur lui est sacrilège. C'est pourquoi l'Église condamne le tatouage, qui est alors l'œuvre de marginaux (marins En France, dès le XIVè siècle, on marque par flétrissure les criminels, les galériens, les esclaves fugitifs, les prostituées, les déserteurs Par la suite, le tatouage a pendant longtemps été associé à la primitivité Au début du XXè siècle, Cesare Lombroso qualifie par exemple les individus tatoués de sauvages Dans les années 1970, avec le mouvement punk en Angleterre notamment, le tatouage marque une volonté brutale de rupture avec la société. [...]
[...] Il peut aussi jouer le rôle d'un talisman et protéger celui qui le porte. On retrouve ici la dimension sacrée des sociétés traditionnelles. Ainsi, le tatouage peut être considéré comme un marqueur identitaire à la fois dans les sociétés traditionnelles et occidentales, même s'il a d'autres fonctions (esthétique, érotique, sacrée Toutefois, il s'agit aujourd'hui d'un tout autre type de marqueur identitaire : le tatouage marque moins l'identification à un collectif que la quête individuelle d'une identité. Les seuls tatouages identitaires qui sont aujourd'hui comparables à ceux des sociétés traditionnelles sont peut-être ceux des gangs américains (M18, MS13 ou MS qui résultent d'un rituel et permettent à la fois de s'identifier à un gang et de se différencier des autres gangs. [...]
[...] En effet, dans les sociétés occidentales, la marque est l'affirmation de l'individualité, l'adolescent dit sa dissidence d'individu là où le membre d'une société traditionnelle proclame son affiliation au sein d'une totalité symbolique De plus, les marques ne sont pas une fin en soi dans les sociétés traditionnelles comme elles le sont dans les sociétés occidentales : elles accompagnent des rites dont elles sont les traces définitives. Ainsi, le tatouage des gangs, résultant d'un certain rituel et marquant explicitement l'appartenance au groupe, s'apparente davantage à un rite initiatique que le tatouage individuel des adolescents. Le tatouage devenant de plus en plus répandu, il tend à perdre sa fonction d'individualisation. On distingue aujourd'hui d'autres fonctions du tatouage. Il a souvent, comme dans les sociétés traditionnelles, une fonction esthétique ou érotique. C'est alors un instrument de séduction, qui peut être sujet aux fluctuations de la mode. [...]
[...] Le tatouage, qui doit être mérité, signe l'entrée définitive dans le gang et affirme une nouvelle identité. Les détenus constituent un autre groupe, moins formel, dont les membres se tatouent. En effet, la plupart des détenus sont tatoués et certains motifs sont récurrents, comme les trois points sur le pouce signifiant mort aux vaches Le tatouage peut aussi marquer l'appartenance à un groupe idéologique (anarchistes par exemple) ou à un groupe diffus (gays, communauté urbaine Le tatouage peut enfin marquer l'adhésion à une communauté flottante : les tatoués témoignent souvent d'une complicité envers les autres tatoués. [...]
[...] Le tatouage permet à des individus en quête d'identité de s'affirmer dans une société individualiste. Il permet la construction de soi. Les tatoués évoquent souvent l'espoir de changer leur existence en changeant leur corps ou la volonté d'individualisation dans une société qui tend à devenir une masse d'individus anonymes. Le tatouage peut aussi être un moyen de se reconstruire après un traumatisme (viol, décès ) ou de s'identifier à un groupe, à une star Chez les adolescents, il marque souvent l'accession à l'âge adulte, le détachement des parents. [...]
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