Tenter de définir la violence, de trouver une formalisation qui pourrait en recouvrir ses aspects les plus variés, fait problème dès lors que l'énumération d'évènements violents n'offre à voir que leur hétérogénéité. Hélène Frappat pose, dès les premières lignes de son étude sur La violence, la préférence que l'on doit adopter à parler de « violences » dans leur pluralité. Aussi circonscrire le travail de réflexion aux stratégies violentes dans l'action collective permet de réduire dans une première approche, le champ d'étude et de faciliter la compréhension d'un phénomène qui peine à être synthétiser. Les stratégies violentes dans l'action collective sont autant de tentatives de modification des rapports de forces sur la scène sociale et politique (I). L'avenir de ce mode d'affirmation de revendication demeure toutefois incertain (II)
[...] Toutefois la violence stratégique n'est bien sûr pas du seul apanage de l'Etat. Les groupes terroristes du type IRA, FLNC, ETA ont su monnayer tout au long de leur histoire l'arrêt de la violence contre l'adoption de droits ou des garanties pour leur communauté. Ces mouvements ne peuvent subsister que s'ils se professionnalisent également. Les organisations légales comme les syndicats, groupes de pression ou partis agissent à un moindre degré de la même manière. Leur capacité de nuisance, d'entrave au fonctionnement normal de l'économie peut de la même façon se monnayer pour atteindre un objectif ou un objectif intermédiaire. [...]
[...] La dureté de la pauvreté associé au désespoir d'obtenir un vie meilleure engendre des facteurs théoriquement favorable à un retour des stratégies violentes pour faire entendre des causes. Les saccages de produits manufacturés par les anciens employés de Moulinex de l'usine de Cormelles-le-Royal dans les environs de Caen, ou le blocage des voies ferroviaires par ces mêmes employés licenciés constituent un exemple parmi les centaines qui jalonne chaque année civile. La revendication des mouvements sociaux pour la défense d'un intérêt matériel se traduit de plus en plus souvent par une stratégie qui consiste désormais classiquement à alerter violemment les pouvoirs publics. [...]
[...] La place prise par les médias télévisuels notamment est aujourd'hui devenue telle qu'ils sont les uniques canaux de transmission d'un message aux pouvoirs publics. Attirer l'attention des politiques suppose de séduire au préalable les médias. La violence inédite est sans doute l'une des stratégies les plus immédiates et les plus payantes. Cette évolution renforce l'attrait que les mouvements sociaux peuvent avoir pour la violente instrumental. Le démontage de Millau est en ce sens un parfait exemple. Peut-être peut-on évoquer l'idée également que la violence est aujourd'hui rentrée dans une pratique quasi rituelle. [...]
[...] Comment doit-on juger les stratégies violentes dans l'action collective ? Bien que déstabilisatrice, ne peut-on pas aussi y voir avec Philippe Braud dans La violence politique, repères et problèmes, une certaine respiration de la démocratie ? Une stratégie violente peut représenter une menace externe à même de susciter un retour aux valeurs de l'Etat et de l'ordre démocratique. La violence demeure une des rares ressources d'expression politique pour les plus démunis. La violence est en partie l'arme des faibles. Et après tout, le peuple ne dispose-t-il pas d'un droit à la résistance ainsi que l'affirme la déclaration des droits de l'homme de 1789 ? [...]
[...] Pourtant, dans les deux cas, des stratégies appuyées par la violence sont mises en œuvre, soit pour maintenir l'ordre établi, soit pour le contester et le déstabiliser. La violence d'Etat est particulière car l'existence même de l'Etat est liée à une violence initiale. L'Etat, pour se maintenir se positionne dans une situation schizophrène puisqu'il lui est à la fois demandée de maintenir l'ordre, par la force s'il le faut, et de faire oublier simultanément la violence inaugurale qui lui fit voir le jour. [...]
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