I Présentation du film
« Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés » est un documentaire où prends sens une réalité invisible, la souffrance au travail. Inspirés du livre « souffrance en France » de Christophe DEJOURS, les réalisateurs Sophie BRUNEAU et Marc Antoine ROUDIL ont voulu agir avec leur outil à eux ; créer un film. Mais pas n'importe lequel, ils ont installé leur caméra dans un cabinet médical pour filmer la consultation de personnes malades de leur travail et qui ont un jour, craqué. L'enjeu précis est de raconter la souffrance du au harcèlement au travail.
Le film est divisé en deux parties. Dans la première, nous assistons à quatre entretiens individuels filmés en plan fixe, dans un environnement clinicien. C'est un climat plutôt simple, voire froids, entre un représentant du corps médical (psychologue ou médecins) et un individu malade de son travail. La première employée, Mme ALAOUI est ouvrière à la chaîne depuis 17 ans, elle raconte les cadences infernales, les réductions du personnel et l'exigence du rendement croissant. Ensuite il y a un directeur d'agence qui « a pété les plombs » comme il le dit lui-même ; confronté à des objectifs inatteignables, il ne voulait pas les répercuter sur son personnel. Une aide-soignante malmenée par son chef et rabaissée à passer la serpillière, enfin une gérante de magasin, rétrogradée, après 20 ans de service
Pendant les entretiens, ce qui est frappant, est le ton de la voix calme, les regards entre soulagement, peur et fatigue des personnes. Tous ont des professions et des statuts différents, mais une souffrance commune se fait sentir. Elle se traduit pour tous par des arrêts maladies répétés dues à des pathologies physiques (douleurs au dos) et surtout psychiques (dépressions). Tous sont blessés et humiliés. Ce sont les victimes d'une guerre dévastatrice, celle du néo-libéralisme, dont le nerf est la compétitivité. Une guerre fondée sur le productivisme qui apparaît dans les années 1980 et modifie en profondeur l'organisation du travail Son titre, significatif, « ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés » est inspiré d'une fable de La Fontaine « les animaux malades de la peste » comme pour qualifier le travail, ce qu'il est devenu aujourd'hui pour les individus, une souffrance !
La deuxième partie est un débat final, qui réunit les trois praticiens du documentaire et Christophe DEJOURS, pour prolonger le débat et trouver des solutions ensemble. Il permet surtout au spectateur d'avoir des points de repères et des pistes pour comprendre cette souffrance et la replacer dans son contexte : les nouvelles pratiques managériales.
Le film explore ainsi les maux psychiques liés au monde du travail et interroge chacun de nous sur la banalisation de ce mal au travail. Quelle place occupons-nous en tant qu'acteur de notre société ? Et en tant que spectateur d'un film venant rompre le silence ? Car il s'agit bien la d'un fléau qui sévit et dont personne ne parle. Comme si le cinéma libérait la parole. C'est un grand risque pour les praticiens que d'écouter leur souffrance car les solutions sont difficiles et qu'il faut du courage que d'affronter ce mal, de le regarder en face sans rien dire. « Ils ne mourraient pas tous » soulèvent énormément de questions qui sont à la fois d'ordre social, juridique, et économique.
[...] Parce qu'ils ne sortent pas non plus indemnes des consultations. Ils le disent eux-mêmes, face à la brutalité de ce que les patients leur racontaient, ils ont voulu agir. Et justement, face à cette violence, ce qui les fait tenir, c'est le travail en collectif, le fait de se rencontrer régulièrement, de réfléchir ensemble, d'écrire des articles, de faire des colloques, d'échanger le fruit de leur travail. Ils se complètent, les uns des autres, car ils admettent leur manque de qualification dans certains domaines je sais que, ce que je ne sais pas faire, je vais pouvoir le chercher, chez toi ou chez toi, chez d'autres maintenant commente la psychologue. [...]
[...] il faut que tout se passe vite dit elle. Cette aliénation de l'homme au travail qui ne lui rend que la souffrance et l'isolement se traduit par des pathologies des maladies de nos sociétés actuelles comme la dépression, et lui laisse pour elle-même que la nostalgie et le dégoût du monde du travail. Dernière séquence : la viatique : début jusqu'à 5 min de séquence La dernière séquence est importante car elle donne du sens au documentaire, elle amène une réflexion pour envisager l'avenir. [...]
[...] Et cette peur, engendre des conduites d'obéissance, de soumission, d'individualisme. Quand bien même comme dans toute tradition de la vie communautaire, il y aurait une réaction au discours néolibéral comme Mme ALAOUI qui a essayé à maintes reprises de discuter, d'expliquer ses raisons. Personne n'écoute. Il semblerait que les valeurs de morale et de reconnaissance sont des mots étrangers à la logique de rentabilité qu'on décèle très clairement dans ce documentaire. On ne jette pas son personnel comme cela, après 19 ans, il y a une façon propre de le faire . [...]
[...] ANALYSE DU TRAVAIL ORGANISATIONNEL Du taylorisme à une pratique de gestion néo-libérale Une stratégie disciplinaire dans l'organisation et une conflictualité voulue par le manager III. LES RAPPORTS AU SEIN DE L'ENTREPRISE Des rapports de forces qui brisent le collectif La peur annihile la faculté de penser et engendre des souffrances individuelles Une illusion de la démocratie en entreprise IV. L'ENTREPRISE ET LA SOCIETE La vie privée rattrapée par la vie sociale de l'entreprise La santé au travail, un problème de société Un désengagement politique et syndical V. [...]
[...] Se met en place, alors, un cercle vicieux de souffrances psychologiques, qui frappe tous les patients du documentaire. Une illusion de la démocratie en entreprise La direction est seul maître des décisions de l'entreprise, même si, elle donne l'illusion de donner la parole aux employés. Les semblants des normes qualités qui standardisent et incitent à la communication avec la hiérarchie, ne viennent jamais remettre en cause son autorité. On peut illustrer cette situation avec le dernier entretien. Au départ de son embauche, tout semble normal entre l'employé et son responsable hiérarchique, jusqu'au jour où, elle est réduite au rang de ménagère du magasin, qu'elle tenait pendant 19 ans. [...]
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