"L'expérience lycéenne est le versant subjectif du système scolaire" : tel est le constat effectué par François Dubet.
Si une poignée de sociologues ou d'érudits sait à quoi M. Dubet fait référence, l'expérience lycéenne est abordée au moment du baccalauréat en juin, lors de violences et manifestations ou encore quelques reportages succincts à la télévision, nous ne connaissons que très peu finalement l'expérience et ce que vivent les lycéens au quotidien. Or, de l'explosion scolaire des années 1960 dans les collèges à celle qui a affecté les lycées à partir du milieu des années 1980, notre système éducatif a subi de profondes transformations qui ont poussé le lycée au centre des interrogations. Le résultat est que la pyramide des effectifs du secondaire, de l'entrée au collège à la terminale, ne cesse de s'élargir vers le haut.
Dans la mesure où le système scolaire a évolué et s'est diversifié, cette expérience lycéenne a donc changé. La manière dont les lycéens appréhendent le lycée dans son ensemble n'est pas la même aujourd'hui que dans le passé.
Il convient alors de se demander dans quelle mesure la sociologie nous permet-elle de mieux comprendre notre expérience lycéenne ?
Nous verrons dans une première partie que l'approche sociologique envers l'éducation et plus précisément le lycée était une approche sans acteurs et que l'expérience des élèves était liée à une logique de systèmes. Puis dans une seconde partie, nous montrerons que cette approche a évolué avec la diversification du système scolaire et que désormais, l'expérience lycéenne est le résultat d'interactions complexes au centre desquelles se place l'élève. Enfin, nous étudierons les motivations et les comportements des lycéens aujourd'hui.
(...) L'expérience lycéenne était appréhendée de manière différente de celle d'aujourd'hui par les sociologues de l'époque.
Dans le passé, l'école républicaine était assimilée à un système fortement régulé dans lequel le sens des études allait de soi. Les élèves dont la motivation était limitée étaient relégués au statut de cancres ou tout simplement envoyés dans la vie active très rapidement. C'est ainsi que les problèmes sociaux n'apparaissaient pas réellement à l'école (...)
[...] Refusant de s'impliquer plus qu'il n'en faut, ils consacrent une bonne partie de leur temps à leur vie de jeunes adultes et à leur formation personnelle. Pour ma part, je pense avoir plus ou moins fait partie des bons lycéens de François Dubet dans le sens où je faisais le strict minimum que l'on pouvait attendre de moi en ce qui concerne les devoirs scolaires et je n'allais jamais lire un bouquin qui approfondissait le cours d'un professeur simplement pour le plaisir ou par passion. Par ailleurs, les nouveaux lycéens issus de milieux plutôt défavorisés font également leur apparition. [...]
[...] Pour lui, les dominants qui ont à leur disposition des capitaux culturels (livres, diplômes économiques (possession d'entreprises) ou encore sociaux (ce qu'on appelle avoir des relations) ont un accès facilité au lycée et à la scolarisation, ce qui est tout le contraire pour ce qu'il appelle les dominés. Puisque l'école reproduit la culture dominante (toujours selon Bourdieu), il y a une sorte de difficulté d'acculturation des dominés, c'est-à-dire qu'ils ont des difficultés à assimiler une autre culture. L'école se présente dans la continuité des enfants des dominants qui vivent dans cette institution ce qu'ils vivent en famille. Cette expérience est positive pour eux. [...]
[...] Dans le passé, le professeur était quelqu'un de fortement respecté et dont la parole n'était jamais remise en cause par les élèves. Il était craint par sa classe. Il semble aujourd'hui que ce respect n'existe plus dans certains établissements. Après diverses discussions avec des adultes qui ont terminé leur expérience lycéenne il y a plus de 30 ans, le lycée semble bien avoir changé sur ce point-là. Combien de cas d'agressions ou de comportements violents ou irrespectueux dénombre-t-on chaque année ? [...]
[...] On imagine bien que l'inverse se produit pour les dominés. C'est ce qu'on a appelé l'explication holiste des inégalités scolaires. Pour Bourdieu, tant que l'école et le lycée continueront à traiter de la même manière tous les enfants, elle ne fera qu'amplifier cette inégalité des chances. De même, Boudon, qui est un auteur du courant individualiste méthodologique, constate tout comme Bourdieu que la société reproduit les inégalités de chance en tenant compte de notre origine sociale. L'école est au cœur de ces inégalités mais n'est que le résultat de stratégies individuelles lors des bifurcations qui s'opèrent au cours de notre scolarité (choix de l'option, de la langue, de la filière au lycée scientifique, économique ou littéraire). [...]
[...] Nous avons donc vu que la sociologie permet de mieux comprendre l'expérience lycéenne dans le sens où l'impact social a une importante influence sur les changements radicaux qui se sont opérés successivement dans les lycées. Si l'origine sociale tend à continuer à déterminer la manière dont l'expérience lycéenne est vécue, d'autres interactions complexes entrent désormais en jeu avec la diversification du système scolaire. Là où une hiérarchie des filières reconnue mais non admise et une concurrence continue s'opèrent, le comportement et les motivations des lycéens a fortement évolué. [...]
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