Sociologie de l'éducation 2

Résumé du document

Ces dernières années, Jean-Pierre Terrail s'est intéressé à la sociologie de l'éducation. Il a notamment publié La scolarisation en France (La Dispute, 1997) et De l'inégalité scolaire (La Dispute, 2002). Il expose dans ce cours le fruit de ses recherches.



L'éducation est l'un des domaines d'investigation les plus anciens en sociologie. Durkheim s'y était intéressé. La sociologie de l'éducation s'est surtout développée à partir des années 1960, notamment en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. La question principale était de savoir pourquoi les inégalités persistaient. Aujourd'hui, le problème reste largement ouvert et très débattu entre les chercheurs.



Dans une première partie, nous étudierons les évolutions du système éducatif depuis les origines. Nous verrons ensuite le lien entre le diplôme et l'emploi. Nous tenterons enfin d'expliquer, dans une dernière partie, les raisons des inégalités scolaires persistantes suivant l'origine sociale.

Extraits

[...] Cela posait un problème d'équité sociale. L'idée apparaît donc de ce qu'on appellera, après la guerre de 14- 18, la démocratisation de l'enseignement. Des enseignants de tous niveaux (instituteurs, professeurs de lycée, professeurs de faculté) créent en 1918 les Compagnons de l'Université nouvelle ; ils s'indignent : Séparer, dès l'origine, les Français en deux classes et les y fixer pour toujours par une éducation différente, c'est aller à l'encontre du bon sens, de la justice et de l'intérêt national. Le bon sens veut qu'on laisse à un esprit le temps de se manifester avant de le ranger dans une catégorie. [...]

[...] Le rôle de l'Ecole est donc minime. Le problème de l'Ecole et de la justice sociale sont disjoints dans les représentations. L'Ecole unique ne résout pas la question de la démocratisation scolaire Le décret Berthoin de 1959 : la sélection suivant l'origine sociale est remplacée par la sélection suivant les aptitudes individuelles. Berthoin accompagne son décret d'un exposé des motifs de quatre pages. Il y dit qu'il faut rompre avec l'ancien principe de recrutement de l'Ecole (selon l'origine sociale) et substituer à l'orientation de hasard et de préjugé [ . [...]

[...] Par exemple, un père cadre supérieur dont l'enfant est en échec prendra un rendez-vous avec le directeur, lui expliquera les raisons exceptionnelles ayant conduit à la mauvaise réussite de son enfant (le fait que sa mère lui ait donné un petit frère, etc.) et promettra de tout mettre en œuvre (par exemple par des cours particuliers) pour que l'enfant soit apte à réussir sa sixième. [...]

[...] Désormais, la République accueillera donc tous les enfants dans la même Ecole tout en mettant en place un dispositif de filières à l'intérieur de cette Ecole afin d'orienter les élèves suivant leurs aptitudes. Les moins bons iront vers les voies courtes et les meilleurs vers les voies longues. L'origine sociale est donc remplacée par un dispositif à trois volets : évaluation, filières, orientation. Le bon accueil réservé au décret Berthoin. (Retour sur la période antérieure : 1918-1959.) Le décret Berthoin est, dans l'ensemble, bien accueilli. D'autant mieux que, dès les lendemains de la Première Guerre mondiale, la revendication qu'on en finisse avec le dispositif de la IIIe République commençait à émerger. [...]

[...] Dans les années où s'ouvre la démocratisation, il y a un phénomène d'égalitarisation. C'est ce qu'on observe entre 1958 et 1963. Sur le graphique ci-dessus[12], on voit ( que de la sixième à la terminale, la proportion d'enfants d'origine populaire diminue tandis que la proportion d'enfants d'origine bourgeoise progresse. Mais, ce qui nous intéresse surtout ici, c'est de constater que ( entre 1958 et 1963, la proportion d'élèves d'origine populaire augmente par rapport à la proportion d'élèves d'origine bourgeoise. Si on regarde sur un plus long terme (de 1947 à 1980), on peut constater que l'on est revenu aux inégalités d'avant la réforme Berthoin[13]. [...]