« Nous ne connaissons pas le vrai si nous ignorons la cause. » (Aristote, Métaphysique). La scientificité de l'économie est un débat récurrent parmi les économistes. Elle ne fait cependant aucun doute pour les tenants de l'approche néoclassique, actuellement dominante, qui n'hésitent pas à parler de science économique. Si l'économie est une science, alors la notion de croyance n'a pas sa place au sein de la communauté des chercheurs pour lesquels seule la recherche de la vérité prime. Une vérité objective, susceptible d'être démontrée, et qui par conséquent ne peut faire l'objet d'une croyance quelconque. Pourtant la pluralité des approches économiques, ainsi que la multiplicité des erreurs théoriques, montrent que de nombreuses causes sont encore largement indéterminées. Le « vrai » est donc loin d'être systématiquement atteint en économie, et l'ignorance des causes explicatives laisse de ce fait émerger des croyances relatives au fonctionnement de la sphère économique.
On peut définir les croyances, admises collectivement, par plusieurs critères. Nous en retiendrons quatre, mis en avant respectivement par différents auteurs. Les croyances collectives désignent l'ensemble des énoncés se confrontant non pas systématiquement mais partiellement au réel (critère de Raymond Boudon dans Le relativisme), déployant des systèmes argumentatifs complexes afin d'expliquer cette non correspondance à la réalité (critère de Gérald Bronner dans L'empire des croyances), s'accompagnant d'un sentiment de certitude subjective quant au degré de vérité des ces énoncés (critère d'Emanuel Kant dans Critique de la raison pure), énoncés élaborés dans le cadre d'institutions relativement fermées, au sein desquelles des rites, des doctrines et une tradition s'élaborent (critère durkheimien dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse). Subsidiairement, nous considèrerons les croyances économiques comme l'ensemble des énoncés, tel que décrit précédemment, mais s'appliquant au domaine économique dans son ensemble.
Le rôle des croyances en économie est un objet d'étude ancien pour la sociologie. Des auteurs classiques comme Durkheim ou Weber faisaient déjà de cette problématique l'un des enjeux centraux de leur questionnement (...)
[...] Croyances sociales et valorisation monétaire On considère François Simiand, à juste titre, comme le dernier sociologue-économiste. Sa volonté d'articuler la compréhension de la sphère économique par une approche sociologique marque ses principaux travaux, comme Le salaire, l'évolution sociale de la monnaie (1932), ou encore La monnaie, réalité sociales (1934). Il complète les résultats convergents de Durkheim et Mauss quand aux implications des croyances collectives sur l'origine de la monnaie. Il s'intéresse plus particulièrement à l'évolution de la valeur de la monnaie dans les sociétés modernes. [...]
[...] C'est cette croyance dans la qualité supérieure d'un vêtement cher qui va expliquer la logique des dépenses des ouvriers. C'est bien la croyance que fonde une construction cognitive des prix par les ménages ouvriers qui va déterminer leurs pratiques de consommation en matière alimentaire et vestimentaire. Croyance et dispositifs de jugement Les croyances peuvent également déterminer certaines pratiques de consommation spécifiques, comme les biens singuliers Dans son ouvrage L'économie des singularités (2007) Lucien Karpik montre en quoi la croyance peut intervenir dans les actes d'achat de ces biens particuliers que sont par exemple les grands vins, les services de restauration ou encore les interprétations de symphonie. [...]
[...] En effet, ces biens singuliers on la particularité de ne pas répondre aux propriétés classiques des biens de la théorie économique, comme l'homogénéité. Par conséquent le consommateur ne peut agir de manière classique, c'est-à-dire guidé par l'information donnée par les prix, pour effectuer ses choix d'achat. Dans cette configuration, Karpik montre qu'un certain nombre de dispositifs de jugements sont mis en place pour offrir une connaissance au consommateur, afin de l'aider se faire sa propre opinion d'un bien singulier et donc à faire son choix. [...]
[...] Sujet : Les croyances économiques Nous ne connaissons pas le vrai si nous ignorons la cause. (Aristote, Métaphysique). La scientificité de l'économie est un débat récurrent parmi les économistes. Elle ne fait cependant aucun doute pour les tenants de l'approche néoclassique, actuellement dominante, qui n'hésitent pas à parler de science économique. Si l'économie est une science, alors la notion de croyance n'a pas sa place au sein de la communauté des chercheurs pour lesquels seule la recherche de la vérité prime. [...]
[...] Ces croyances vont trouver une légitimité dans le statut de leur producteur : les économistes au sens large. Une croyance économique sera d'autant plus suivie et légitime que son producteur fait autorité dans le champ économique. Et cette autorité est fondée sur la nature et le volume des capitaux détenus par l'agent. Lebaron développe cette analyse en mettant en lien les croyances des économistes et leur trajectoire professionnelle. Il montre, conformément à l'approche bourdieusienne, en quoi les dispositions des agents sont à l'origine de la position qu'ils occupent au sein du champ économique, et conditionne par la même leurs prises de positions face aux croyances. [...]
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