L'auteur souhaite redonner à la sociologie française les moyens de penser la morale de façon cognitive (qui s'intéresse aux contenus de la morale) plutôt que culturelle (qui s'intéresse à l'émergence de telle ou telle valeur comme fait social), et perpétuer ainsi une tradition de la sociologie française qui s'était éteinte avec DURKHEIM, récusant par là l'appartenance des « contenus » de la morale au seul champ philosophique : la sociologie doit se donner pour but d'expliquer la diversité des positions normatives (c'est à dire comprendre jusqu'à quel point les positions morales influencent le comportement des acteurs sociaux).
Cet objectif implique selon l'auteur une démarche tout d'abord philosophique (objectiver le sens conceptuel de la moralité, en montrant que la morale ne peut être fondée empiriquement, I, mais possède nécessairement des assises conceptuelles, II), afin de rendre possible une démarche plus sociologique (comprendre l'inscription de la morale dans les faits sociaux, à travers l'utilisation de méthodes particulières, III).
[...] Sociologie de la déviance, OGIEN): les intérêts de première personne (un agent peut modifier son jugement moral dès lors qu'il est lui même touché) les erreurs de perception et de distorsion cognitives (l'acteur n'a pas toutes les clefs en main pour juger de la moralité d'une action) l'erreur intentionnelle et l'intempérance morale (cf. l'akrasia aristotélicienne et le développement de PARSONS sur la faiblesse du sens moral face au désir). PHARO tente donc d'établir les fondements d'une sociologie morale à la fois descriptive et normative, à travers un rationalisme moral clairement affiché, luttant tout au long de son ouvrage contre l'évidence relativiste Il cherche ce qui, parmi les nombreux jugements moraux divergents, relève d'un très large consensus moral, et plaide ainsi pour un universalisme des valeurs. [...]
[...] En effet, si les valeurs ne font pas partie d'un arrière monde chez PHARO, elles ne sont pas pour autant des objets visibles dans le monde physique. Il apparaît donc nécessaire de suivre les détours du vocabulaire employé par les acteurs, ainsi que le contexte de leur discours sur leurs actions compris la gestuelle mise en place par les acteurs) afin de percevoir les motifs de leurs actions (cf. l'entretien compréhensif, KAUFMANN). L'auteur établit ensuite différents critères moraux qu'il s'agirait de mettre en concurrence chaque fois que se poserait un problème pratique ; trois éléments sont ainsi retenus : l'évitement de la souffrance indue la politique de justice d'autrui la mise à l'épreuve de la description morale Ces éléments permettraient ainsi d'arbitrer entre les principes moraux revendiqués par les différents acteurs sociaux. [...]
[...] Comment un principe peut-il dès lors être reconnu comme étant de premier rang ? C'est la phénoménologie d'HUSSERL qui vient ici au secours de la sociologie compréhensive dont se réclame PHARO : celle ci considère en effet qu'il y a corrélation entre la conscience des choses et les choses (les choses existent telles que je les perçois), et que les expériences des autres s'ajoutent aux miennes comme la série de mes expériences passées (intersubjectivité). La corrélation intersubjective, du fait de son identité à la corrélation de l'ego privé, peut rendre compte d'une permanence et d'une objectivité du sens et des valeurs pour toute intentionnalité humaine au sein du monde social (cf. [...]
[...] La morale ne serait donc qu'un instinct, et l'esprit humain un simple épiphénomène sans réelle intérêt), soit qu'ils voient dans l'apparition du sentiment moral la simple pression de la sélection naturelle en faveur du consensus normatif à l'instar d'Alan GIBBARD. Pourtant, si la valeur adaptative était le seul critère de la moralité, pourquoi certaines pratiques considérées injustes, mais qui conféreraient un avantage adaptatif certain, ne sont pas considérées comme morales ? Il semble donc difficile d'accepter que la morale puisse être fondée sur des fonctions d'adaptation à un environnement naturel. Une deuxième approche possible serait de considérer que des éléments socioculturels seraient à l'origine de la morale : trois branches se distinguent ici. [...]
[...] La fondation empirique du sens et des valeurs pose donc fondamentalement le problème du relativisme moral : si l'on accepte que le sentiment moral soit fondé sur des éléments contingents (naturels ou culturels), alors les positions morales problématiques ne seraient que l'expression d'une éthique différente, adaptée à un environnement naturel ou culturel différent, mais qui vaudrait tout autant qu'une position non problématique, acceptée par tous comme morale. Tout système autoritaire pourrait donc justifier moralement son apparition par l'émergence d'un contexte nouveau, d'une meilleure adaptation à son milieu. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture