Depuis que la sédentarité est unanimement reconnue comme mode de vie dominant dans nos sociétés contemporaines et qu'elle impose la terre comme porteuse des identités collectives et des valeurs dites anthropologiques, l'ancrage est, semble-t-il, devenu une condition première au développement. L'homme s'est dispersé par reptation sur l'étendue de la surface terrestre, a cherché à accumuler des terres, des ressources, et autant de matérialités qui tendent à constituer ses richesses dans un modèle capitaliste de développement. Parallèlement, il s'est construit, individuellement ou en société, des identités géographiques successives et superposées faites d'un ensemble de symboles et de représentations (Jean Gottmann parle « d'iconographies »), fondées sur cet ancrage au territoire, inscrites dans des lieux localisés et dont la localisation est référencée à la surface de la Terre. Alors que développer, c'est, selon cette conception, accumuler, augmenter le niveau des ressources disponibles pour satisfaire des besoins vitaux et éventuellement permettre le bien-être des populations, la géographie du développement apparait être, dans son essence, une géographie de sédentaires, des lieux fixes. Elle est inscrite dans un espace borné et dans un monde cloisonné en territoires qui définissent des sociétés sédentaires dont les niveaux de développement seraient liés à la richesse de leurs territoires et à leur capacité à l'exploiter.
[...] Conclusion Envisager la métaphore nomade employée dans notre monde hypermobile comme étant la suite du développement des sociétés nécessite de se pose la question de la nature de l'espace terrestre. Est-ce d'abord un espace de production ou de circulation ? Un espace du fixe ou du mobile ? Il s'agit là d'inverser le regard porté habituellement par la géographie : au lieu de prendre un cadre de référence fixe et d'observer les déplacements, prenons l'individu mobile et polytopique, l'objet en mouvement, et voyons comment l'espace prend forme par ce mouvement et comment les individus peuvent, par celui-ci, construire du développement. [...]
[...] Est-il alors encore possible de tendre vers un développement qui se veut universel ? Géographie spontanée, mobilité et développement On considère, dans la production du savoir géographique, que le rapport des individus à la réalité comporte une dimension irréductible à toute autre, celle de la confrontation avec l'espace terrestre. Ce rapport avec l'espace terrestre est un rapport de connaissance et d'apprentissage, par lequel se fabrique de l'identité, individuel comme collectif. Si tous les discours géographiques ont en commun de découper, ordonner, hiérarchiser l'espace, leurs contenus sont cependant divers et peuvent être réduits à des idéaltypes, des manières de penser le monde en géographie (Denis Retaillé, 2000). [...]
[...] Ne faut-il pas voir dans cette immixtion de l'état dans la sphère internet un certain reflet du souhait étatique de sédentarisation du nomade, du contrôle de ses mouvements ? Faut-il y voir la réponse de l'état à une perception du désordre et de chaos (au sens d'imprédictibilité) qui inquiète, car non maitrisée ? N'est-ce pas là une manière supplémentaire pour l'état de faire valoir son existence face à la déliquescence généralisée de son influence dans un monde ouvert et hypermobile ? Indéniablement, la métaphore nomade a encore de longs jours devant elle. [...]
[...] Une équation à trois inconnues (environnement-société-économie) qui, depuis la popularisation du slogan penser global, agir local d'Akio Morita, affirment l'échelle locale comme la bonne échelle pour faire du développement : C'est décidé, la suite du développement des sociétés sera durable et local. Pourtant, qu'est-ce que le local et a-t-il réellement une échelle ? Ce local ne tiendrait-il pas en amont à une conception fixe de l'espace géographique et de la pensée du développement dans laquelle le lieu prime sur le mouvement ? [...]
[...] Un citoyen du monde en quelque sorte dont la figure type serait la diaspora. Pourtant, qu'il s'agisse de la poly-localité ou de la poly-appartenance, on ne prend toujours pas en compte la permanence de la mobilité et on réinstalle l'individu dans des lieux fixes comme si dépasser cette contrainte était impossible. Capital spatial A la suite de l'articulation entre ancrage de populations comme condition de la mobilité et existence de différentes échelles de la mobilité (temporelle, spatiale, sociale) permettant la distinction des nomades historiques se dessine une hiérarchisation des individus mobiles au sein du monde globalisé. [...]
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