Le contrôle social informel des comportements est très fort au Japon, pays où le groupe prime sur l'individu. Ce contrôle est d'ailleurs si fort que les Japonais se sentent souvent frustrés. Malgré cela, la plupart des Japonais veulent préserver leurs relations sociales et leur place au sein du groupe, sources de « sécurité ontologique ». L'individu japonais tolère donc un fort contrôle social informel, car en retour le groupe le soutient et s'occupe de lui.
La conséquence de ceci est que les Japonais font attention à l'autodiscipline (Fenwick 1985). Parce que les Japonais sont parfaitement conscients de l'effort nécessaire pour tolérer un contrôle social informel du groupe à ce point contraignant, la possession d'une grande capacité d'autocontrôle est vue comme l'arme la plus importante pour la survie au sein de l'« uchi ». En d'autres termes, cultiver sa volonté est essentiel si un japonais veut devenir une part organique d'un groupe type japonais, sans pour autant trop souffrir de l'impératif de conformité aux règles du groupe. C'est en grande partie pour cela que la patience est la vertu la plus admirée au Japon. Au contraire de l'Occident, l'acceptation d'un fort contrôle social informel n'est pas un signe de faiblesse au Japon ; au contraire, elle témoigne d'un grand self-control, et est donc plutôt source de fierté (Reischauer, 1980).
[...] Les Japonais apprennent très tôt dans leur vie la valeur du self- control. Le processus social par lequel les Japonais développent leur self- control correspond à la plus importante phase de socialisation au Japon (Moriyama 1989). Les principales institutions de socialisation au Japon sont la famille, l'école et l'entreprise. Dans une moindre mesure, les communautés locales jouent également ce rôle de socialisation La famille Les enfants japonais sont soumis à une stricte discipline chez eux. Ils apprennent un grand nombre de convenances par une pratique patiente. [...]
[...] En résumé, les enfants japonais apprennent que l'acceptation d'un contrôle parental fort a pour compensation une sécurité ontologique. Les enfants japonais sont habitués à beaucoup de contact corporel : quand elle sort, la mère les transporte sur son dos ; ils dorment et se lavent avec leurs parents jusqu'à quatre ou cinq ans. En Occident en revanche, la tendance est à ce que les enfants dorment seuls, à ce qu'ils aient leurs propres chambres, à ce qu'on les laisse avec une baby-sitter (le baby-sitting est inhabituel au Japon) (Reischauer 1980). [...]
[...] Ce phénomène touche toutes les écoles, et quasiment toutes les classes. Ce type de brimades, qui existent à des degrés différents dans tous les pays, portent toutefois plus à conséquences au Japon, en raison des spécificités bien connues des Japonais. L'individu ne peut exister qu'à travers l'appartenance à un groupe, et cette caractéristique se retrouve dans tous les aspects de la société nippone. La notion de groupe est aussi très importante pour les enfants, et quiconque ose s'opposer à l'« ijime prend le risque de devenir victime à son tour et d'être exclu du groupe. [...]
[...] Il n'est pas rare que la victime change dans la classe. Il arrive même, cas rare cependant, que le professeur soit lui-même la victime d' ijime De nombreux cas de dépression et de suicide sont dus à ce phénomène chaque année. Certains enfants ou adolescents deviennent par la suite hikikomori c'est-à-dire que subissant trop la pression de la société, et ayant peur d'affronter le monde, ils refusent de sortir de chez eux et restent enfermés dans leur chambre pendant des mois voire des années. [...]
[...] Les subalternes ne trinquent pas. Ce sont les chefs qui démissionnent ou se suicident, reconnaissant ainsi qu'ils ont échoué dans leur mission de diriger leurs équipes. La protection, en échange de l'acceptation de devoirs, et la paix sociale qui en résulte, sont assurément les facteurs qui conduisent la plupart des Japonais à accepter de sacrifier un pan de leur personnalité et de leur liberté d'agir ou de s'exprimer. Un individu se fond dans une fonction, laquelle est relative, dépendant du contexte (entreprise, famille, association, etc). [...]
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