Les deux années que nous avons passés à observé de près le quotidien des enfants de la banlieue dakaroise et de la zone de Mbour ont vite fait d'ébranler certaine de nos certitudes. Le phénomène des abus sexuels qui est le sujet de notre propos nous est apparu dans toute sa complexité. Ces abus que nous évoquerons ici englobent le viol, l'inceste, la pédophilie, le mariage précoce et le mbaraan (multi partenariat). Nous avons observé le jeu des acteurs qui mettent en scène des mécanismes subtils de camouflage des actes d'abus sur les enfants.
Des liens transversaux mettent en relation des individus selon le besoin spécifique de tirer profit de la situation de déférence de l'enfant face aux adultes. Ces adultes dressent subtilement des ponts entre eux et leurs victimes, active les liens qui leur permettent de se rapprocher d'elles et créent des subterfuges et des pratiques toujours plus fines.
[...] Les relations qu'elles entretiennent sont pour elles des espaces de négociation avec des adultes qui détiennent des ressources économiques dont elles peuvent bénéficier. Le mbaraan devient dangereux pour la jeune fille lorsqu'elle est en relation avec un adulte mal intentionné et qu'elle ne contrôle plus les règles du jeu. Les données recueillies dans les centres Ado[3] révèlent qu'un nombre important de jeunes filles vient se plaindre d'avoir été violé par un de leurs partenaires multiples. Les jeunes filles sont victimes de menaces, d'attouchement et également d'actes sexuels contre leur gré. [...]
[...] Pour évoluer dans cet environnement, les enfants développent des stratégies de survie qui peuvent les exposer aux violences notamment sexuelles. Les victimes peuvent être de l'un ou de l'autre sexe. Cependant, certains facteurs font que les petites et les jeunes filles sont particulièrement exposées. Contrairement à une idée reçue, le risque pour l'enfant d'être exposé à un abus sexuel n'est pas plus élevé dans le milieu touristique qu'au sein de la famille et du quartier. Ici, les abuseurs sont des personnes qui habituellement ont des rapports de déférence avec l'enfant. [...]
[...] L'intermédiaire peut être le parent de la victime, son enseignant ou un antiquaire[1]. C'est ainsi qu'il est fréquent de voir des touristes avoir leurs appartements privés au sein de la maison familiale d'une petite fille où d'une jeune fille qu'ils parrainent avec l'accord des parents de ces dernières. Ils disent : celui là c'est le toubab[2] de mon enfant A partir de cet instant le niveau de vie de la famille s'élève sensiblement et le voisinage peut voir la maison familiale se transformer petit à petit et changer de standing. [...]
[...] L'école perçue comme un lieu de résorption des différentes inégalités n'est plus un endroit sûr pour la jeune fille. L'antiquaire désigne tout individu qui exerce un métier intermédiaire dans le contexte du tourisme. Mot wolof employé pour désigner une personne de race blanche Les centres conseils ado sont une initiative du Projet de promotion des jeunes du gouvernement du Sénégal. Ils ont vu le jour depuis 1992 et s'occupe de la santé sexuelle des adolescents. Leurs principales activités sont la sensibilisation, la médiation et l'offre de soins. Expression wolof qui signifie littéralement étend ton foulard. [...]
[...] Lorsqu'elle n'est pas victime de pratiques incestueuses, elle est, dès l'âge de 12 ou 13 ans engagée dans le lien conjugal par ses parents qui ont choisi le futur époux. Le mariage précoce continue à se perpétuer encore dans certains milieux notamment pulaar. Il s'agit dans ce contexte de donner l'adolescente très tôt en mariage pour minimiser les risques qu'elle ne perde sa virginité. L'étape qui consiste pour la jeune fille entrée précocement en union d'être prise en charge par sa belle mère qui devait parfaire son éducation jusqu'à ce qu'elle atteint la maturité physique est de plus en plus occulté. [...]
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