La rumeur a fait l'objet, depuis le début du XXe siècle, de nombreuses études en sciences sociales, relevant de la transdisciplinarité. Nous nous pencherons ici sur trois études scientifiques qui se sont donné pour but d'analyser ce phénomène complexe. Tout d'abord, le livre de Jean-Noël Kapferer, "Rumeurs. Le plus vieux média du monde", publié en 1987 et réactualisé en 1995, dont la thèse centrale est de démontrer que, loin d'être mystérieuses comme on le croit trop souvent, les rumeurs obéissent à une logique forte dont il est possible de démontrer et d'analyser les mécanismes. Nous nous intéresserons également, en parallèle, à l'article d'Emmanuel Taieb intitulé "Persistance de la rumeur. Sociologie des rumeurs électroniques", paru dans la revue Réseaux en 2001, dans lequel l'auteur met en lumière une nouvelle forme de rumeurs apparue avec l'explosion d'Internet, la rumeur électronique, qui diffère des rumeurs traditionnelles tout en s'inscrivant, dans le même temps, dans une certaine continuité, comme nous le verrons. Enfin, le troisième document portera sur un article intitulé "La rumeur ou la survivance de l'intemporel dans une société d'information", rédigé par Pascal Froissart, paru en 1995 dans la revue Recherches en communication, dans lequel l'auteur s'emploie à démontrer que la rumeur est toujours intemporelle et s'inscrit dans un processus permanent d'actualisation du passé. La rumeur est un phénomène quasiment insaisissable, de par son caractère abstrait, de par l'ambiguïté qui surgit dès lors qu'on veut la théoriser. Pourtant, ces trois auteurs ont produit, entre 1987 et 2001, des théories de la rumeur qu'il est intéressant de mettre en perspective et de confronter. Quels sont les mécanismes de la rumeur, comment celle-ci émerge, est véhiculée et disparaît au sein d'une société donnée à un moment donné ? En bref, quelles sont les logiques de la rumeur ?
[...] La rumeur : un éternel retour ? L'instabilité sociale comme élément favorisant l'apparition de la rumeur Nos trois auteurs s'accordent sur le point que les périodes d'instabilité sociale voire de crise, favorisent l'apparition de la rumeur. Ainsi, Kapferer montre comment dans le contexte troublé de la Révolution française, où les fondements d'un ordre séculaire vacillaient les rumeurs se multipliaient dans les campagnes et alimentaient la Grande Peur (pp. 34-35). Au contraire, parce qu'ils ne croyaient pas du tout à une attaque sur Pearl Harbor, les Américains ne remarquèrent pas les multiples «signaux des préparatifs des suspects (p. [...]
[...] Qu'est-ce que la rumeur ? Un phénomène ambigu et difficile à définir Les trois rumorologues admettent tous que la rumeur est un phénomène dont il n'est pas facile de saisir la définition. Il s'agit bien d'un phénomène fuyant et un objet qui se prête difficilement à l'observation (Kapferer, pp 10-11). Il est d'autant plus difficile de définir rigoureusement la rumeur que celle-ci s'apparente à des phénomènes voisins mais qui ne leur sont pas assimilables complètement (Taieb), tels que le ragot, le potin, le commérage ou encore la légende urbaine. [...]
[...] Également, et cela va de pair avec notre affirmation précédente, la rumeur, nous l'avons vu, est condamnée, relativement, à une sorte d'éternel retour. Les rumeurs sont donc éminemment intéressantes à étudier, dans ce qu'elles nous révèlent de nos sociétés, contemporaines et passées. Ainsi, les rumeurs nous démontrent une fois encore, que toutes les certitudes sont sociales : est vrai ce que le groupe auquel nous appartenons considère comme vrai (Kapferer, p. 312). Bibliographie Campion-Vincent, Véronique & Renard Jean-Bruno, Légendes urbaines. [...]
[...] Le plus vieux média du monde, Paris, Seuil Morin, Edgar (dir.), La rumeur d'Orléans, Paris: Seuil, coll. "Points Essais", (1969) 1982. [...]
[...] Il cite l'exemple de la rumeur d' Omar m'a tué», qui a circulé sur Internet autant qu'oralement. Mais, plus intéressant encore, Taieb montre que la forme des rumeurs électroniques rappelle très souvent celle des rumeurs orales : il cite l'exemple probant des alertes aux virus sur Internet. Cela n'est en effet pas sans rappeler la grande rumeur d'épidémie de piqûres. Ainsi, les rumeurs traditionnelles, dans leur contenu comme dans leur facture, ont largement investi les rumeurs électroniques, même si ces dernières ont des caractéristiques bien spécifiques. [...]
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