Cet exposé constitue une partie de ma thèse de doctorat de sociologie. Il est consacré aux représentations du temps dans les sociétés contemporaines. A partir d'une enquête de « terrain », j'ai pu mettre en évidence une représentation de plus en plus abstraite du temps social. Pour comprendre la montée en charge de l'abstraction dans la représentation
Du temps, je propose deux hypothèses, que j'analyse du point de vue sociologique.
Le monde qui nous entoure de sa formidable complexité ne peut être appréhendé que parce que notre cerveau opère en permanence une sélection, une réduction, une préparation ou une construction des messages qu'il reçoit afin qu'ils nous soient intelligibles et puissent être traités rapidement. Qu'il s'agisse de l'audition d'un son ou de la perception de l'univers social dans lequel nous évoluons, nous cherchons toujours à reconnaître ce qui se présente à nous en fonction de ce que nous savons déjà. Connaître le monde c'est donc se le « représenter » et le « déformer » selon nos filtres personnels qui se particularisent en fonction de nos nombreuses expériences. Les représentations sont des systèmes d'interprétations du monde et de leurs relations. En les étudiants, on va approcher des aspects de la vie collective et de la vie individuelle. N'oublions pas de signaler, enfin, que les représentations sont des produits, mais aussi des processus : ce sont des images du monde, et il y a aussi des mécanismes qui permettent de construire ces images.
Il y a plus d'un siècle, Émile Durkheim proposait de rendre compte, de manière scientifique, des représentations, de leur genèse et de leurs transformations dans l'espace social. C'est en tant que catégorie de l'entendement que Durkheim abordait le temps. Restituer son approche du temps ainsi que celle de ses disciples, en particulier Henri Hubert, conduit à interroger les fondements de sa sociologie de la connaissance. Le « sociomorphisme », dynamique structurante de ce concept très globalisant appelé « représentations collectives », constitue la principale intuition de la sociologie durkheimienne de la connaissance. Son approche, à la fois scientifique et morale, consiste à privilégier la dimension sociale de l'homme contre les effets supposés délétères de l'individualisme.
La notion de représentation collective avait été élaborée par Durkheim, qui récuse le réductionnisme de la psychologie évolutionniste et affirme que la conscience se caractérise par sa permanence, rendue manifeste par la production « sui generis » de représentations développant leurs relations à un niveau propre, sans être déterminées par les mécanismes biologiques, de sorte qu'elles constituent une vie mentale d'un genre nouveau. Ainsi, le fondateur de la sociologie développe une contestation radicale de l'hypothèse d'un substrat psychologique des comportements sociaux. Il y oppose la régénération cyclique de la société par retour aux temps primordiaux, et écarte donc toute explication des rapports au temps qui partiraient des représentations individuelles, jugées labiles et fugaces en regard des représentations collectives ; Il affirme ainsi : « ce n'est pas mon temps qui est ainsi organisé ; c'est le temps tel qu'il est objectivement pensé par tous les hommes d'une même civilisation » . Dès lors, le calendrier, partagé par tous, prime sur le sentiment de la durée ; l'hétérogénéité des périodes qu'instaurent les pratiques calendaires domine les impressions personnelles d'écoulement du temps. Durkheim entend ainsi réfuter l'idée qu'il attribue à Kant d'un temps conçu universellement comme homogène. Il veut en effet démontrer que, pour chaque « civilisation », « la notion ou catégorie de temps » s'identifie à la répétition à date régulière d'événements collectifs qui constituent des : « points de repère fixes et déterminés empruntés à la vie sociale, [...] les divisions en jours, semaines, mois, années, etc…, correspondent à la périodicité des rites, des fêtes, des cérémonies publiques » . Elles fournissent les scansions à travers lesquelles les membres d'une société particulière font tous la même expérience du temps.Pour tester notre hypothèse, nous avons choisi de mettre en place une enquête par questionnaire sur les représentations du temps.
[...] Cette catégorie illustre, selon nous, une montée en charge d'un temps abstrait dans les sociétés contemporaines. En revanche, dans notre étude, ni l'âge ni le genre des répondants, ne semble jouer un rôle prépondérant, dans la discrimination des réponses qui nous ont été fournies. Quant au statut socio-économique (CSP) des informateurs, il reste déterminant pour expliquer certaines différences entre diverses catégories de population quant aux conceptions et perceptions du temps. On ne sera pas étonné de constater, par exemple, que ceux qui ont un emploi se déclarent plus que tout autres les plus tendus (on enregistre beaucoup de plaintes dans ces catégories), regrettent de ne pouvoir être plus souvent avec leur famille, ont le sentiment de ne pas avoir fait tout ce qu'ils veulent dans la journée et de manquer de temps pour eux-mêmes ; bref, ceux-là ont plus que les autres, le sentiment d'un temps qui s'accélère et qui leur échappe. [...]
[...] I Le temps électronique : définition. Le temps électronique présente cinq caractéristiques : Il évince les bornes traditionnelles des temps sociaux et notamment les limites ou bornes temporelles (semaine de travail / week-end ; temps du jour et de la nuit). En fait, ce sont l'ensemble des activités humaines qui s'en trouvent affectées : temps de travail / temps du repas ; temps scolaire / temps hors scolaire ; temps consacré au religieux / temps de loisirs ; temps du dîner / temps de sommeil, etc . [...]
[...] A cet effet, j'ai proposé une grille d'analyse qui, par delà les exemples empiriques concernant la vitesse et l'urgence, consiste s'interroger sur l'émergence d'un nouveau régime de temporalité dans les sociétés contemporaines, dont la caractéristique principale est basée sur l'accélération du temps social, avec pour effet un présentisme affirmé, nouvelle forme de vie sociale au travers d'un présent surchargé. Bibliographie BAUMAN Zygmunt, (2002) La société assiégée (trad. de Christophe Rosson), Paris, Ed. Le Rouergue & Chambon BONNEVILLE Luc, La Représentation de la temporalité chez les utilisateurs du réseau Internet, mai 2000. [...]
[...] Il affirme ainsi que : la roue est entrée sans bruit dans l'histoire à une époque peu reculée. Les constructeurs des Pyramides avaient employé des rouleaux pour remuer leurs pierres de taille, mais le rouleau n'est pas la roue, ce n'en est qu'un élément. Pour que la roue devienne utile, il fallait que l'homme se fût d'abord rendu maître d'une bête de trait. En effet, si la bête n'est pas là pour tirer, à quoi bon la roue, la voiture ? [...]
[...] II : un nouveau régime de temporalité Notre seconde hypothèse pour comprendre le temps dans les sociétés contemporaines s'inscrit dans le cadre d'un nouveau régime de temporalité. Faisant suite à l'accélération continue des temporalités sociales, il semble que l'on assiste à un nouveau régime de temporalité. II.1. Les différents régimes de temporalités dans les sociétés contemporaines La modernité est toujours contemporaine. Cela revient à poser le problème de son rapport à l'histoire. Le monde, l'Occident en particulier, a connu trois modernités successives. La première modernité commença avec le miracle grec du Ve siècle avant notre ère pour se clore en 1914. [...]
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