La figure de l'étranger est devenue un problème central pour les pays occidentaux ; c'est l'effet pervers (contre lequel ils luttent) de la mondialisation et de la multiplication des flux. L'étranger, selon Georg Simmel, dans Digressions sur l'étranger (1908), c'est un immigrant « arrivant aujourd'hui et restant demain » dans un groupe auquel il n'appartient pas, avec lequel il n'a rien en commun. Le fait qu'il reste permet des interactions entre lui et le groupe. Ce groupe peut ainsi reconnaître l'étranger c'est-à-dire, l'accepter, admettre son existence, son identité d'étranger au sein du groupe. Au contraire, l'étranger peut être maintenu ou chassé hors du groupe. Reconnaissance et exclusion sont donc deux réactions opposées du groupe vis-à-vis de l'étranger.
Le paradoxe est donc évident ; comment deux réactions diamétralement opposées (reconnaissance et exclusion) peuvent-elles se servir l'une l'autre ? Comment la reconnaissance peut-elle devenir un moteur d'exclusion ?
[...] Ceci explique aussi le regroupement des étrangers par communautés. Gérard Noiriel analyse le fait que les réfugiés du Sud-est asiatique s'installent dans des tours modernes du XIIIe arrondissement comme le résultat du malaise qu'ils ressentent lors de la fréquentation de vieux immeubles. Ceux-ci sont chargés d'histoire les modes d'occupation sont codifiés et ils n'en connaissent pas les règles. Ainsi, on voit bien que la reconnaissance des différences de l'étranger, si elle vise d'emblée à empêcher l'exclusion, il semble qu'elle conduit tout de même à une exclusion institutionnalisée dans le droit, visible dans les attitudes et de plus en plus évidente spatialement. [...]
[...] I Reconnaître l'étranger en tant qu'étranger : la possibilité de s'inclure comme différent, s'inclure comme exclus (Rancière) Reconnaître l'étranger c'est admettre officiellement son existence, l'accepter en tant qu'étranger. On accepte tout en continuant à différencier. L'étranger est inclus, mais il reste un exclu ; on doit agir envers lui en tant qu'il n'est pas, au départ, inclus dans le groupe pour l'inclure. Donc on reconnaît son exclusion pour mieux l'inclure. Pour Jacques Derrida dans De l'Hospitalité, une telle exclusion ou reconnaissance des différences est normale. L'étranger a besoin que des droits précis lui soient reconnus pour pouvoir s'inclure dans le nouveau groupe. [...]
[...] Ici, il est un étranger à cause de sa langue ; la langue populaire. Il demande la même indulgence que celle que l'on a envers des étrangers quand ils parlent une langue qui n'est pas la leur. Le statut d'étranger entraîne en effet certaines attitudes spécifiques envers lui, il a des droits qui lui sont spécifiques. L'indulgence à l'égard du langage est un exemple central puisque l'étranger c'est avant tout celui qui ne parle pas la langue notamment la langue du droit dans laquelle sont formulées des lois spécifiques comme le droit d'asile, le devoir d'hospitalité Pour permettre à l'étranger de s'inclure, il faut donc prendre en compte ses différences, les institutionnaliser pour aider son intégration. [...]
[...] Le passage de cette reconnaissance à l'exclusion s'explique par le passage de l'étranger à l'autre absolu. La tendance est de voir de moins en moins en l'étranger une victime à aider, mais un coupable menaçant. Ceci est peut- être le résultat d'une paranoïa post-moderne face une ouverture exacerbée des frontières. Toujours est-il que ce n'est pas l'étranger reconnu qui est exclu, mais bien l'autre absolu sans identité, déshumanisé et donc non reconnaissable qui est exclus. Notre opposition est donc conservée avec d'un côté la reconnaissance identitaire de l'étranger que l'on accueille et de l'autre le glissement de plus en plus visible vers la figure de l'autre absolu (ce glissement a pu être, au cours de l'histoire, le résultat de manipulations politiques ex : Juifs en Allemagne Nazie) non reconnaissable du fait de sa non-identité et figure de l'exclusion. [...]
[...] Il fait la différence entre l'étranger et l'autre absolu. L'étranger c'est celui que l'on reconnaît comme tel, qui peut lui-même s'identifier comme tel et qui, du coup, a immédiatement le droit à l'hospitalité, on accepte de l'accueillir chez soi Face à lui, il existe la figure de l'autre absolu ; celui que l'on ne reconnaît pas, car il n'a pas d'identité, il est seulement l'autre, l'altérité absolue, la menace extérieure sans nom. Cette figure est justifiée chez Derrida par le fait que c'est cet autre absolu qui permet paradoxalement l'existence d'un droit à l'hospitalité vis-à-vis de l'étranger. [...]
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