Chaque année, près de 13 millions d'étudiants, dont seulement 2 millions et demi issus de minorités raciales, s'inscrivent dans les universités américaines : selon une étude de 1991 du US Bureau of Census, en 1989, 21,8% des Blancs de plus de 25 ans avaient terminé 4 ans ou plus d'université, contre 11,8% pour les African Americans, et seulement 9,9% pour les Hispaniques.
Le cadre universitaire, aussi restreint soit-il, reste cependant très pertinent dans l'étude du multiculturalisme : l'université est un effet un microcosme de la société, véritable lieu de vie. On peut donc y voir une sorte de laboratoire d'étude des effets de la politique multiculturelle menée par les Etats-Unis depuis plusieurs décennies.
La question du multiculturalisme dans l'éducation se pose en effet dès les années 1950 ; dans les années 1960, les termes de « pluralisme culturel » et de « diversité » font leur apparition dans le domaine de l'éducation et deviendront bientôt les credo de celui-ci.
Dans ces circonstances, on peut se demander si la mission de l'université américiane n'a pas changé pour s'adapter à ce que le gouvernement a été amené à définir comme une priorité grandissante, à savoir la prise en compte des différentes (id)entités raciales présentes sur le sol américain. Dans ce contexte, la traditionnelle fonction intégratrice de l'école se trouve fortement remise en question.
Ceci pose aussi le problème de l'égalité des chances, posée par Tocqueville dans De la Démocracie en Amérique comme un des principes fondateurs de la démocracie étatsunienne. En effet, si l'université permet d'accéder à une égalité potentielle grâce à la mise à disposition des mêmes moyens d'apprendre et de réussir pour tous, elle ne saurait garantir l'égalité de résultat.
Les principes démocratiques américains sont par ailleurs remis en cause par les valeurs qui sont désormais « récompensées » : ainsi, le système méritocratique est sérieusement mis à mal par l'adoption de doubles critères, notamment définis par l'affirmative action.
Le risque est donc apparent : à travers leur système universitaire, les Etats-Unis semblent prendre une certaine distance vis-à-vis de leurs idéaux démocratiques, qui jusqu'à maintenant valorisaient des vertus telles que l'égalité des chances pour tous (un idéal color blind selon les Droits Civils de 1964), l'intégration (« e pluribus unum ») et le mérite, pour n'en citer que quelques uns.
[...] En effet, dans le célèbre arrêt de 1978 Bakke vs. Regents of the University of California, un étudiant blanc a attaqué en justice l'université de Davis où il présentait un concours d'entrée pour la med'school et s'est vu refuser l'entrée pour des raisons de quotas allouant un certain nombre de places aux minorités. Dans l'arrêt rendu par la Cour Suprême, il est mentionné que l'interdiction de discrimination par des institutions recevant des fonds fédéraux ne s'applique pas pour la discrimination vis-à-vis des Blancs. [...]
[...] La méritocratie Il apparaît que la méritocratie est également mise à mal par le système universitaire américain. La méritocratie postule que le recrutement et par la suite l'avancement doivent se faire sur la base du seul mérite. Cette logique fortement américaine s'ancre dans l'éthique protestante, qui insiste sur l'importance de l'effort individuel dans la poursuite de la réussite personnelle. Des principes tels que la discrimination positive ont pu initialement refléter certaines idées d'inspiration méritocratique, par exemple celle de déceler le mérite que les minorités ne pourraient exprimer dans une société où un groupe ethnique l'occurrence, les Blancs– était dominant. [...]
[...] Trois facteurs ont contribué au développement d'une éducation multiethnique et multiculturelle : Le mouvement des droits civils, relayé après 1960 par les décisions de la Cour Suprême et du gouvernement fédéral. Il convient à ce propos de rappeler le rôle capital de la question scolaire dans les principales mesures antidiscriminatoires adoptées à cette époque : - la décision Brown de 1954 interdit la discrimination légale dans les écoles et les infrastructures publiques ; - bien sûr, le Civil Rights Act de 1964, dont le titre 9 interdit toute discrimination raciale et ethnique dans des programmes recevant des subventions fédérales. [...]
[...] B Les manifestations de ce multiculturalisme se retrouvent dans tous les cadres de la vie universitaire L'école se doit d'être l'image et le modèle de la société américaine. Aussi, tout va être fait pour assurer la vitalité de la diversité ethnique tant louée par l'Amérique. Des conditions préférentielles d'accès : l'affirmative action L'affirmative action est le premier de ces mécanismes d'impulsion de la diversité dans le cadre universitaire ; il agit avant même que les élèves n'entrent à l'université. Le régime d'inégalité correctrice mis en place par l'affirmative action a été institutionnalisé sous John F. [...]
[...] Au vu de ces difficultés, on comprend que c'est plus que le modèle universitaire de traitement des minorités qui est en jeu : ce qui est ici au cœur du problème, c'est la conception de la nation et surtout de la race telle que l'a définie et telle que la vit la société américaine dans son ensemble. Il est donc intéressant de se pencher sur le lien entre les politiques et les raciales sur les campus américains, d'une part, et les phénomènes ethniques dans la société toute entière : l'éducation raciale pendant les années du college a-t-elle des effets de diffusion sur la société dans son ensemble ? Ressort-on durablement de l'université moins raciste qu'on a pu l'être en y entrant ? [...]
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