Société, transparence, Jean Moulin, André Malraux, homme contemporain, secret, résistance, secret sacré, discours le 19 décembre 1964, idéal d'ouverture, raison d'État, Défense du secret, Anne Dufourmantelle, société de whistleblower, bon gouvernement, défiance, Pierre Rosanvallon, VPN virtual private network, scandales de Wikileaks, informations numérisées, capacité numérique, Le Prince, Machiavel, démocratie, article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, Georg Simmel, Secret et sociétés secrètes, Antimémoires, harmonie
« Bafoué, sauvagement frappé, la tête en sang, les organes éclatés, il atteint les limites de la souffrance humaine, sans jamais trahir un seul secret, lui qui les savait tous », ces propos d'André Malraux lors de son discours le 19 décembre 1964 sur Jean Moulin sont propices à une réflexion historique mais également actuelle. En effet, si Jean Moulin a préservé le secret sur la résistance jusqu'aux derniers instants, serait-il encore possible pour l'homme contemporain de conserver aussi fortement un secret alors que celui-ci évolue dans une société qui rend tout accessible et dans laquelle le secret n'est plus sacré ? Si le secret signifie ce qui est caché, inconnaissable, la société de la transparence actuelle semble, au contraire, ne laisser aucun repli, aucune zone d'ombre aux hommes pour préserver leur intériorité, leur jardin secret.
[...] Même si le secret est censé être potentiellement dévoilé, c'est sa désacralisation comme faisant partie de la condition de l'homme que la société du numérique et de la communication entraîne. Cependant l'humain possède des ressources qui lui permettent de préserver un jardin secret à travers différents domaines. De plus le secret est nécessaire aux rapports humains afin de préserver une harmonie. [...]
[...] La difficile préservation du secret dans la société de communication La société de communication est une société de l'image qui incite à exposer nos existences, à profaner. On assiste à une prolifération des informations nous concernant que ce soit volontairement ou à notre insu. Pour Marc Dugain dans son œuvre L'homme nu, la dictature invisible du numérique (2017) de nos informations sont aujourd'hui numérisées. Dans cette société de l'exposition, de l'outing notamment sur les réseaux sociaux où chacun doit « s'assumer » et mettre en avant sa personne, le droit à la confidentialité ou dans un second temps le droit à l'oubli peine à exister. [...]
[...] On peut alors légitimement se demander dans quelle mesure il serait possible de revaloriser le secret dans une société de la transparence. Nous verrons que le sens du secret est fragilisé dans notre société contemporaine puis que l'homme dispose de ressources pour pouvoir le préserver et le recréer en permanence. Un sens du secret fragilisé dans la société contemporaine Une délégitimation du secret Le secret semble aujourd'hui être associé au mensonge, vouloir le conserver signifierait dans la situation actuelle défendre l'immoralité. [...]
[...] On peut enfin observer que la capacité des hommes à entretenir des relations d'amitié, d'amour et de désir est liée à leur faculté à sculpter en permanence un secret que chacun laisse plus ou moins entrevoir. Comme l'exprimait André Malraux dans ses Antimémoires , «l'homme n'est qu'un misérable petit tas de secrets», la condition de l'homme continue à s'exprimer, même dans la société du tout numérique. Le sens du secret semble aujourd'hui menacé et impossible à protéger, car considéré comme suspect. [...]
[...] Dans quelles mesures serait-il possible de revaloriser le secret dans une société de la transparence ? « Bafoué, sauvagement frappé, la tête en sang, les organes éclatés, il atteint les limites de la souffrance humaine, sans jamais trahir un seul secret, lui qui les savait tous », ces propos d'André Malraux lors de son discours le 19 décembre 1964 sur Jean Moulin sont propices à une réflexion historique mais également actuelle. En effet, si Jean Moulin a préservé le secret sur la résistance jusqu'aux derniers instants, serait-il encore possible pour l'homme contemporain de conserver aussi fortement un secret alors que celui-ci évolue dans une société qui rend tout accessible et dans laquelle le secret n'est plus sacré ? [...]
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