Le 3 février 2012, la majorité gouvernementale a émis l'idée de mettre en place des cours de conjugalité pour renforcer l'institution du mariage et ainsi limiter le nombre de divorces (source : BFMTV) : ainsi, le monde politique semble aujourd'hui prendre conscience que les liens entre famille et individu sont en train de se distendre, remettant ainsi en cause le rôle primordial de la famille. En effet, la famille est historiquement l'instance sociale la plus importante d'une société : en effet, si elle constitue tout d'abord un cadre pour l'individu, la famille est aussi une instance de socialisation nécessaire pour permettre à l'individu de s'intégrer à la société.
Toutefois, d'une part, le modèle familial traditionnel semble être remis en cause aujourd'hui avec l'apparition de nouveaux modèles familiaux : ainsi, les familles monoparentales par exemple se multiplient (ce qui s'explique par la forte croissance des divorces), ce qui peut engendrer une crise du lien familial. En effet, l'individu perd ses repères, ce qui peut générer des conflits entre l'individu et sa famille. D'autre part, face à la montée de l'individualisme, que l'on peut qualifier également d'individualisation, les individus semblent vouloir de plus en plus préserver leur identité personnelle et ce y compris au sein de leur vie privée. Les individus mèneraient ainsi une sorte de « double vie » dans le sens d'une vie conjugale associée à une vie personnelle ; la famille contemporaine autorisant la construction d'espaces à la fois propices aux relations affectives et à la liberté individuelle des personnes.
[...] Ainsi, François de Singly montre comment les personnes qui vivent en famille, en couple, en collectivité mènent une double vie'' faite de temps personnel et de temps partagé. Tout individu est ainsi à la fois seul'' et avec'' au sein de la vie commune. Manifestement, face à l'individualisation croissante et aux nouveaux modèles familiaux, on assiste aujourd'hui à une véritable distanciation des relations entre individu et famille, ce qui se caractérise par une crise du lien familial et l'apparition de conflits entre ces deux acteurs. Toutefois, la famille reste déterminante dans la construction individuelle de l'individu, car elle joue le rôle d'instance de socialisation primaire. [...]
[...] L'égoïsme est le fait de privilégier son intérêt personnel et est la conséquence d'une évolution des normes sociales ; il est parallèle à un développement de droits et de devoirs individuels, favorisant l'initiative et l'indépendance des individus. De plus, si les liens familiaux se transforment, les liens intergénérationnels restent forts, notamment de par l'allongement de l'espérance de vie des grands-parents. Si la montée de l'individualisme tend à remettre en question la famille en tant qu'institution, c'est aussi parce qu'il l'oblige à s'adapter à de nouvelles valeurs, à une nouvelle mentalité. [...]
[...] La socialisation par la famille contribue ainsi à la reproduction sociale, d'autant plus qu'elle transmet d'une génération à l'autre un capital culturel (manières de parler, goûts, connaissances, etc.) qui est très inégal selon les groupes sociaux (il devient alors décisif pour la réussite scolaire des individus par exemple). Le concept d'habitus rend donc capable l'individu, mais tend aussi à limiter son avenir (déterminisme culturel et social). De plus, la famille est l'instance de socialisation la plus déterminante dans la mesure où elle est chronologiquement la première. Pour Paul Ariès, politologue, la famille moderne ne se définit pas exclusivement par le sentiment familial, mais elle repose aussi sur les préoccupations éducatives. En effet, l'enfant peut être objet à la fois d'affection et d'ambition. [...]
[...] Toutefois, l'opposition latente qui existe entre l'individu et la famille n'est pas apparue avec la montée de l'individualisme : c'est un phénomène beaucoup plus ancien. La famille en tant que première instance de socialisation est le plus petit des "champs sociaux" selon le terme de Bourdieu. Elle s'avère par la même occasion être le lieu où s'établissent les premiers conflits entre l'enfant et la société, entre le soi et l'autre. L'histoire et les arts débordent d'exemple probant en la matière : du conflit fratricide à travers le mythe fondateur de Romulus et Remus, à l'inceste et au parricide dans l'histoire d'Œdipe, en passant par la chaotique atmosphère familiale dans Vipère au poing de H. [...]
[...] Ce dernier développe et intériorise ainsi une haine et un rejet de la famille perturbant souvent par extension son désir de socialisation dans son ensemble. Ce phénomène est d'autant plus dangereux que l'enfant présente un comportement quasi normal, tout au plus légèrement marginal. Le roman We need to talk about Kevin dépeint ainsi l'avènement d'un sociopathe au travers de la narration de la relation particulière qu'entretient la mère avec son fils. Enfin, en matière de sexualité, la prohibition de l'inceste et l'exogamie sont ainsi des manières d'externaliser le conflit sexuel en dehors de la sphère familiale. [...]
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