La philosophie politique, traditionnellement, s'est souvent employée à traiter des rapports de pouvoir en société, que ce soit sous la forme de la question des conditions de l'exercice et du maintien du pouvoir par le prince (avec, par exemple, la pensée emblématique de Machiavel), ou encore de celle de la nature et de la forme juridique du pacte social, avec la tradition de la philosophie contractualiste. Au premier abord, nous pourrions donc penser que l'œuvre de Foucault est sensiblement différente et s'inscrit en marge de cet héritage spirituel, d'une part du point de vue de la question posée, qui est principalement, mais pas seulement, celle des conditions et des formes de l'emprise du pouvoir au sein de la société, et sur les individus ; et d'autre part aussi du point de vue de la forme de son essai, auquel il entend donner une assise largement historique. Cependant, le travail de Foucault témoigne de nombre de références, plus ou moins explicites, aux œuvres de ses prédécesseurs. Mais plus que de simples références, un des intérêts majeurs réside dans les formidables possibilités de mise en perspective, non seulement de sa réflexion avec celle d'autres penseurs, mais aussi avec des questions traditionnellement abordées par une majorité des philosophes du politique, et qui trouvent, reprises dans la logique de la réflexion de Foucault, un écho et des résonances qui donnent un nouvel atours à leur pertinence.
Comment le processus historique qui a présidé à l'avènement de la prison comme forme ultime de punition témoigne-t-il d'une double emprise du pouvoir, à la fois sur l'individu et au cœur de la société ?
Nous verrons alors dans un premier temps quels sont les aspects et les enjeux du passage du supplice à la punition du point de vue de l'économie du pouvoir de punir ; ensuite, nous aborderons la question de la place de la discipline au sein de la société, de causes qui ont présidé à son émergence, ainsi que celle de ses incidences sur l'architecture du pouvoir. Enfin, nous en viendrons à nous interroger sur le rôle que joue la prison du point de vue de l'organisation de la société.
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[...] Cette nouvelle forme de pouvoir fonctionne comme une autocensure discrète, de telle manière que les hommes sont finalement eux-mêmes porteurs du pouvoir qui agit sur eux. En résulte une anomymation du pouvoir qui s'exerce par l'intermédiaire d'un système de répartition complexe (corps, lumière ce qui a pour première conséquence de mettre fin à la ritualisation de l'application de la peine, et plus largement d'homogénéiser les effets du pouvoir. Le schéma panoptique intensifie tous les appareils de pouvoir en en assurant l'économie, de manière à ce qu'avec un nombre décroissant de personnel on puisse exercer un pouvoir sur un nombre croissant d'individus. [...]
[...] De fait apparaît un contrôle des peines infligées par le juge, car l'évaluation au sein du système pénitentiaire tend à primer sur celle effectuée par le pouvoir judiciaire. Ce processus révèle donc un excès du carcéral par rapport au judiciaire qui mène à une autonomie d'une administration qui peut tout se permettre, étant un lieu clos. Mais en réalité, la prison excède la détention, car on lui demande d'être utile c'est-à-dire d'exercer des transformations sur les individus. Somme toute, ce que l'on appelle le pénitentiaire n'est rien d'autre que ce que Foucault appelle le supplément disciplinaire par rapport au juridique Cette réussite- domination du pénitentiaire sur la justice pénale est en grande partie due au fait que les prisons ont peu à peu été conçues comme un lieu de formation pour un savoir clinique sur les condamnés L'objectif est alors de faire de la prison le lieu de la constitution d'un savoir qui constituera le principe selon lequel s'exercera la pratique pénitentiaire. [...]
[...] Et selon Foucault, ce succès tient à l'usage d'instruments simples et parfaitement intégrés à différents processus, et à particulier au processus de production : La surveillance devient un opérateur économique décisif, dans la mesure où elle est à la fois une pièce interne dans l'appareil de production, et un rouage spécifié dans le pouvoir disciplinaire.» On le voit, il s'agit ici d'une surveillance hiérarchisée qui double le processus de production. Dans l'anatomie politique la dispersion et la multiplicité sont le problème à résoudre. La question est : comment parvenir à la servitude volontaire dans des sociétés qui se peuplent lentement? [...]
[...] On entre dans l'âge de l'examen infini et de l'objectivation contraignante. On le voit, par l'intermédiaire de la discipline, le pouvoir produit un réel, et de cette production émerge la connaissance de l'individu. C. Une nouvelle architecture du pouvoir : le panoptisme Le panoptisme répond à la même logique que celle que nous venons d'analyser pour le processus d'inversion de la visibilité. Nous passerons ici sur la description de l'architecture du Panopticon inventé par Bentham, pour nous concentrer sur l'analyse de sa logique propre. [...]
[...] Apparaît de fait un Double péril. Il faut que la justice criminelle, au lieu de se venger, enfin punisse Outre ces éléments non négligeables, la conjoncture joue elle aussi un rôle de premier ordre. En effet, son évolution au cours du XVIIIè siècle va dans le sens d'une hausse de la démographie, couplée à une augmentation générale du niveau de vie. Corrélativement à la multiplication des richesses et de la propriété, s'exprime le besoin de la protection de celles-ci. Et la criminalité prend elle aussi part à l'évolution des structures d'une société désormais modelée par les valeurs de la bourgeoisie. [...]
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