Alors qu'il fascine et qu'il repousse en même temps, le milieu dirigeant a un aspect mystérieux qui le distingue du reste de la société. Qui sont les dirigeants, que font-ils, d'où viennent-ils et comment fonctionnent-ils ? Du président français énarque au modèle du président businessman des Etats-Unis ou encore des conseillers militaires aux experts hauts fonctionnaires, tout porte à croire que le terme de classe est désuet pour parler du milieu dirigeant. En effet, si le début du 20e siècle était encore marqué par un milieu dirigeant homogène, du moins en apparence, la montée d'acteurs politiques différenciés au sein du champ du pouvoir décisionnel a semblé être la preuve de la fin justement d'une « classe dirigeante », qu'il s'agisse plutôt des hommes d'affaires dans les pays anglo-saxons, ou plutôt des hauts fonctionnaires en France particulièrement.
De plus, on a pu assister à un déplacement des valeurs légitimées du milieu dirigeant, qui a fait que la réputation de compétence est entrée victorieusement en balance avec la réputation de dévouement (de militant), entraînant une plus grande variabilité de la structure dirigeante. Comment définir alors le « groupe » dirigeant ? Selon P. Braud, une classe est un ensemble d'individus relativement homogène du point de vue de ses conditions concrètes d'existence, et des normes et valeurs partagées. Dans une logique plus marxiste, c'est un ensemble d'individus défini par sa place dans le processus de production. Il nous faut donc déterminer si cette définition s'applique au milieu dirigeant, ce qui à première vue ne paraît pas évident. Néanmoins, comme il s'agit de « dirigeants », on doit, afin de délimiter le cadre d'étude, se pencher aussi sur la notion d'élite, et surtout d'élite du pouvoir.
Mais, si l'on conteste la notion de classe dirigeante, on doit pourtant s'interroger sur les raisons qui font que le milieu dirigeant est « perçu » comme une classe. Ainsi, si l'on peut contester la notion de « classe » au sens strict pour le milieu dirigeant, peut-on pour autant réfuter le fait que le milieu dirigeant à la fois fonctionne et utilise ses propres ressources comme une véritable classe ? Cela justifierait alors la perception de classe que nous avons de l'élite du pouvoir, et donc qu'on puisse effectivement en « parler », sans s'y limiter.
[...] En effet, la transmission du capital culturel dans les familles de dirigeants tend à homogénéiser l'origine sociale des acteurs du milieu dirigeant. La formation accentue ce phénomène : on peut penser au rouage essentiel que constitue l'ENA dans ce processus, comme le dit Lacam qui explique qu'à la fois les contenus et les méthodes tendent à rapprocher technocratie et politique, et que l'ENA est pensée et pratiquée comme un vivier d'élites politiques Et il en va de même dans les grands colleges anglo- saxons. [...]
[...] Peut-on parler d'une classe dirigeante ? Alors qu'il fascine et qu'il repousse en même temps, le milieu du dirigeant a un aspect mystérieux qui le distingue du reste de la société. Qui sont les dirigeants, que font-ils, d'où viennent-ils et comment fonctionnent- ils ? Du président français énarque au modèle du président businessman des Etats-Unis ou encore des conseillers militaires aux experts hauts fonctionnaires, tout porte à croire que le terme de classe est désuet pour parler du milieu dirigeant. [...]
[...] -Braud résume cette thèse en distinguant trois sphères du milieu dirigeant : la sphère politique stricto sensu, qui constituerait les véritables dirigeants (=ceux qui détiennent des fonctions à la tête d'un ministère, du gouvernement ou de l'Etat), la sphère de l'administration publique (spécialement les hauts fonctionnaires exerçant des responsabilités de premier plan dans leur secteur), et la sphère des partenaires extérieurs qui tiennent en deux pôles principaux, le monde de l'entreprise économique et le monde des clercs des agents spécialisés dans le travail direct sur les représentations et les croyances). Pour des fonctions variées Dahl fait remarquer la grande spécialisation des leaders, parallèlement à la multiplicité des sources de pouvoir. En effet, les politiques au sens strict n'exercent pas les mêmes fonctions au sein du milieu dirigeant que les hauts fonctionnaires par exemple. [...]
[...] Il en résulte des solidarités entre les différents membres, que l'on peut en partie aussi associer à une nécessité de cohérence du milieu décisionnel central. Au sujet de ces solidarités et intégrations, Lacam montre qu'elles sont aussi vouées à des mécanismes à la fois d'entretien et de développement du groupe. Il dénombre ainsi quatre effets développés par différents auteurs : l'effet de club, l'effet de proximité, l'effet réactif, et l'effet d'image, les deux derniers étant considérés comme les moteurs de la mise en route de la haute fonctionnarisation du parti socialiste en France, qui y était pourtant originellement hostile notamment pour des raisons idéologiques, mais qui a dû se plier à l'unité, voire à l'homogénéisation de la classe dirigeante, comme la droite en avait fait le modèle, dans un souci d'efficacité. [...]
[...] Cela justifierait alors la perception de classe que nous avons de l'élite du pouvoir, et donc qu'on puisse effectivement en parler sans s'y limiter. Le concept de classe, dans son essence, ne semble pas pouvoir s'appliquer au milieu dirigeant Un groupe hétérogène dans ses origines et ses fonctions Robert Dahl (et Raymond Aron notamment) ont développé la thèse d'un modèle polyarchique pour parler du milieu dirigeant. Des catégories sociales diverses -Selon Dahl, par l'exemple de New Haven, on peut parler de pluralisme polyarchique par l'extrême diversité sociale que favorise l'ascension de nouveaux groupes sociaux. [...]
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