« L'histoire de toute société jusqu'à nos jours est l'histoire de la lutte des classes. » Si la célèbre formule de Karl Marx, qu'il reprend en vérité à l'historien français François Guizot, renvoie l'image d'une classe exploitée et aliénée, par, tour à tour l'esclavage, le servage et le salariat, elle n'est pas d'abord ici convoquée dans ce sens ; la référence aux classes est prise dans le sens de groupements humains objectivement alliés du fait de leur situation sociale donnée. Il y aurait donc une réaction de classe, c'est-à-dire une pensée en fonction de la classe à laquelle on appartient. Ainsi, le terme de classe évoque l'idée de convergence d'intérêts donc, pour Marx, de combats communs, d'une partie de la population contre une autre - ceux qui vendent leur force de travail contre les propriétaires des moyens de production. L'aliénation économique et sociale devait, dans l'idée communiste, déboucher sur une révolution politique.
Cent cinquante ans plus tard, la société semble moins clivée et l'idée de convergence d'un vote et d'un positionnement social moins évident. Pourtant, la question d'un déterminisme en politique reste posée et travaillée par de nombreux chercheurs. Au cours de ce travail, nous nous interrogerons : le vote est-il socialement déterminé ? Peut-on déduire de manière causale le positionnement politique à partir d'une situation sociale ? Dans une première partie, nous analyserons que les comportements électoraux peuvent être expliqués par deux approches déterministes. Dans une seconde partie, nous examinerons les comportements électoraux à travers les approches par les choix individuels.
[...] Ce courant va donner des théories dites réalistes de la démocratie en particulier avec Joseph Schumpeter : la démocratie ce n'est pas de respecter la volonté des électeurs mais une concurrence entre politique pour la captation du vote des électeurs. Dans ce modèle les partis et les électeurs sont rationnels. Ce dernier est capable de choisir entre plusieurs alternatives et de les hiérarchiser en fonction de ses préférences. Donc il choisit toujours le parti qui maximise l'utilité de son vote. [...]
[...] Le Tableau politique de la France de l'Ouest sous la IIIe République, publié en 1913, est la première grande étude électorale du monde menée sur des bases scientifiques. Son auteur, André Siegfried, lance avec cet ouvrage les bases de la sociologie électorale mais aussi, dans une certaine mesure, de la science politique française. Le modèle de compréhension élaboré par Siegfried repose sur le fait que les propriétés des environnements dans lesquels évoluent les électeurs représentent un facteur décisif pour comprendre leur orientation politique en général et leur comportement électoral en particulier. [...]
[...] Les individus tendent à se comporter et à voter comment on se comporte et on vote dans leur groupe d'appartenance. Cette influence décisive exercée par le milieu social conforte ainsi le paradigme contextuel (ou écologique) du vote[3]. Les résultats de ces enquêtes sont publiés dans un livre célèbre The people's choice. La conclusion principale est la suivante : il y a un déterminisme social, une personne pense politiquement comme elle est socialement, les caractéristiques sociales déterminent les préférences politiques Ainsi, l'acte individuel est réglé par des normes collectives des divers groupes amis, voisins, familles, collègues auxquels on appartient. [...]
[...] À l'inverse, là où l'habitat est concentré (paysages d'openfield) et où domine la petite et moyenne propriété foncière : les populations donnent très largement leurs voix aux partisans du mouvement (la gauche) Autrement dit, Siegfried veut trouver les racines des comportements électoraux dans la localisation des électeurs et dans la structure sociale de leur unité territoriale d'appartenance Ainsi, on peut établir une science des comportements électoraux car les comportements sont stables : la prévision est possible. L'auteur va mettre en relation la distribution des électorats et la géographie humaine des unités territoriales où ils sont recensés. [...]
[...] Il apparaît que la connaissance de ces groupes permet de prédire leur vote. L'enquête insiste sur l'importance des relations interpersonnelles au sein des groupes primaires dans la production des préférences politiques. Les chercheurs mettent en évidence la place décisive de certains individus, les leaders d'opinion, dans la formation des opinions : les conversations interpersonnelles sont plus décisives que les messages politiques dans les médias. Jean-Yves Dormagen et Daniel Mouchard soulignent l'importance de ces individus : Présents dans tous les groupes et dans tous les milieux sociaux, ils sont les plus politisés, ceux qui suivent avec le plus d'attention les compagnies électorales, qui servent d'intermédiaires entre les messages des hommes politiques et les fractions de l'électorat les moins intéressés par la politique. [...]
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