Il y a encore à peine vingt ans, les rares sociologues s'intéressant de manière directe et déclarée au scandale ne pouvaient que déplorer le peu d'études consacrées à leur thème de prédilection. Ainsi, Markovits et Silverstein (1988) dénonçaient-ils le "néant académique" qui régnait dans les sciences sociales à propos du scandale. Aujourd'hui, la conjoncture semble bien différente. Les années 2000 ont en effet vu émerger de nombreux travaux portant sur le scandale, et cela dans plusieurs pays. En Grande-Bretagne, John B. Thomson publiait en 2000 n livre entièrement consacré au thème, en tentant de l'étudier aux lumières d'une époque imprégnée par les médias ; quelques mois auparavant, son compatriote Michael Kagay (1999), s'était essayé, à partir d'études quantitatives, à une analyse des mécanismes en jeu dans le scandale Clinton-Lewinski. En Italie, la réédition d'articles de Francesco Maria Battisti, ainsi que de son livre consacré à la Sociologie du scandale (2000) témoigne d'un même regain d'intérêt. Aux Etats-Unis, le professeur Ari Adut publiait quant à lui un article (2005) dans l'importante American Review of Sociology de l'université de Chicago, au cours duquel il développait une nouvelle théorie du scandale à partir du célèbre exemple de la condamnation pour homosexualité d'Oscar Wilde.
Enfin, en France, la revue Polfitix a consacré en 2005 un numéro entier à ce thème intitulé "A l'épreuve du scandale", rassemblant des contributions de tous horizons autour des théories de Damien de Blic, qui y signe deux articles.
Devant cette affluence de travaux, on est tout d'abord frappé par la diversité des approches choisies. En premier lieu, c'est l'hétérogénéité des méthodes employées qui surprend : travaux sur archives ou sur documents historiques (De Blic, 2005 ; Adut, 2005), séries d'entretiens (Doidy, 2005), études quantitatives d'après sondages d'opinion (Kagay 1999), confrontation enquête policière / retranscription dans les médias (Mucchielli, 2005)... Cette hétérogénéité pourrait au départ paraître rassurante : loin de toute crispation stérile, les sociologues privilégieraient un pragmatisme méthodologique les amenant à ne se priver d'aucun outil potentiellement utile à leur recherche. Mais les présupposés théoriques eux aussi sont fort disparates, allant d'une analyse en termes de stratégies à un certain constructivisme, en passant par des attitudes objectivistes tout bonnement naïves, ou à l'inverse, par des postures aux aires fonctionnalistes particulièrement raffinées. Tout semble ainsi se passer comme si chaque chercheur pouvait à sa guise interpréter les manifestations du phénomène, sans que l'on puisse distinguer une approche plus pertinente qu'une autre. Au vide précédent, succéderait donc le désordre le plus total. Parmi ces parutions, nous nous intéresserons donc à celles qui se proposent d'ordonner ce champ naissant de la sociologie. Deux tentatives d'élaboration théoriques ont en effet été avancées, proposant de nouvelles pistes pour une étude du scandale. Ari Adut (2005) offre ainsi, à travers son étude du cas Oscar Wilde, une réévaluation de la question de la naissance du scandale, au-delà des perspectives objectivistes ou constructivistes souvent privilégiées. Quant à Damien de Blic (2005), il s'intéresse aux conséquences du scandale. En s'attaquant à l'idée selon laquelle celui-ci ne serait qu'un révélateur de transgressions, De Blic montre qu'il joue un rôle important dans l'évolution des normes, en les mettant "à l'épreuve". En se complétant, ces analyses peuvent ainsi permettre de comprendre les phénomènes liés au scandale dans leur ensembmle.
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