La dédicace de Jules Vallès au deuxième ouvrage de sa trilogie quasi autobiographique, Le Bachelier, rend compte de cette divergence paradoxale entre le parcours scolaire et la réussite sociale. L'institution scolaire est perçue comme la voie principale pour ne pas dire unique vers la réussite sociale. Plus le parcours scolaire est prestigieux et long, plus la réussite sociale serait élevée. Le thème de la crise scolaire est un classique actuel, sans cesse réactualiser à l'occasion des confrontations sur le « dégraissage du mammouth » (Claude Allègre), les diverses réformes scolaires ou les études alarmistes sur le niveau en berne des jeunes Français en lecture ou des bacheliers, dont le diplôme serait sans cesse bradé.
L'Ecole s'est cependant vue assigner en France trois missions fondamentales : l'instruction, l'éducation, la socialisation. Elle devait fournir des connaissances basiques et approfondies, inculquer une culture commune et développer un sentiment de vivre ensemble, de communauté. Comment expliquer cette divergence entre l'instance chargée par excellence d'assurer la réussite sociale et la constatation d'un échec patent ? Faut-il y voir la responsabilité d'une crise de la culture, d'un échec des réformes nécessaires, de déterminants sociologiques qui limite la montée dans la hiérarchie sociale ? L'Ecole est une voie royale en désuétude (I), confrontée à un échec patent et à des réformes difficiles (II).
[...] L'École : une voie royale en désuétude ? L'École et l'éducation comme voies royales pour la réussite sociale L'École comme symbole de la méritocratie républicaine : Jules Ferry L'École fondée par Jules Ferry est la voie royale et légitime pour toute la population d'accès à la réussite sociale. Gratuite, elle est le complément du suffrage universel, sans discrimination censitaire ; obligatoire, elle permet à tous d'accéder à l'enseignement, au savoir, à nouveau sans distinction, rompant avec le travail des enfants ; laïque, enfin, elle n'entend pas fournir une vision particulière du monde, ni opérer une discrimination entre les confessions religieuses. [...]
[...] Les matières phares ont perdu en force ou se sont transformées. Les humanités ont largement perdu en popularité, latin et grec qui formaient la base de la culture classique n'accueillent qu'un nombre limité d'élèves et ne constitue que rarement un patrimoine important même pour les étudiants qui s'y sont intéressés. La littérature et la philosophie persistent en tant que matières obligatoires, mais ne forment plus qu'une part très limitée tant du savoir des élèves, que de leur programme. L'histoire a subi de nombreux bouleversements, longtemps centré essentiellement si ce n'est uniquement sur la France, elle s'est progressivement mondialisé autour de thèmes majeurs : Guerres Mondiales, Guerre Froide, décolonisation et la place conférée à l'histoire contemporaine est de loin la plus importante. [...]
[...] La division entre école privée et école publique est aussi perçue comme un double système. Les écoles privées à l'origine suivies par les élèves auxquelles on souhaitait adjoindre une éducation religieuse à leur cursus originaire sont devenues pour certains le symbole d'un système à deux vitesses où les écoles privées et donc payantes favorisent une reproduction des classes favorisées. Changer le système Il est remarquable que le système culturel et scolaire français est fait l'objet de profonds changements à chaque remise en cause ou passation de pouvoir. [...]
[...] Le parcours scolaire n'est pas synonyme de réussite de sociale. En effet, même si l'École reste la seule voie possible et légitime de s'élever sur l'échelle sociale, force est de constater un important échec, qui résulte moins d'une crise de la culture, les connaissances des élèves progressent malgré tout, que de déterminants sociologiques qui limitent cette élévation. L'École devient alors une machine de reproduction sociale, à la fois parce qu'elle se base sur la culture dominante et parce que les tendances à la stagnation sociale limitent l'intérêt à poursuivre des études trop longues et coûteuses. [...]
[...] La sélection par l'échec Assiste-t-on dès lors à une sélection par l'échec qui s'impose ? Les élèves et étudiants sont à chaque fois réorientés en fonction de leur réussite vers des formations moins bien jugées, sans réelle possibilité de passerelles. L'orientation vers un CAP ou BEP plutôt que vers le lycée, les différentes filières du lycée après la seconde qui mettent une barrière importante entre les filières générales et technologiques, sont autant de séparations des élèves sans passerelles efficaces. Seule l'université qui exige le baccalauréat ou un DAEU, permet des passages plus aisés entre filières courtes ou longues. [...]
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