Cet article évalue l'hypothèse du rapprochement des modes de consommation des différentes catégories socioprofessionnelles. Selon les auteurs les plus radicaux, il n'y aurait plus de différence dans les structures des dépenses des cadres et des ouvriers. Une analyse discriminante portant sur les enquêtes de Budget des ménages 1985 et 1995 montre que les cadres et les ouvriers conservent des structures budgétaires distinctes et qu'il n'y a pas de changement significatif en dix ans. La hiérarchie de l'ensemble des catégories socioprofessionnelles que permet de construire la méthode est stable dans le temps. En outre, l'activité de la conjointe, qui aurait pu produire un brouillage des frontières sociales, a des effets empiriques contradictoires : l'hétérogamie des couples rapproche les cadres des ouvriers mais l'homogamie les éloigne ; l'effet global est nul. Une étude sur le long terme aurait peut-être permis de repérer des changements plus importants, mais, sur les dix dernières années, les catégories socioprofessionnelles apparaissent comme un outil descriptif stable et efficace.
[...] Le budget, les ressources et les dépenses sont enchâssées dans un déroulement temporel fait de choix et de contraintes entre possibilités et besoins. Ainsi, certaines dépenses s'inscrivent dans un temps court (par exemple : le pain, le lait) et d'autres dans un temps long (l'achat d'une automobile, la propriété du logement), d'où un recueil d'information d'une complexité majeure. Un ménage ayant acquis son automobile par un règlement au comptant 13 mois avant l'enquête ne déclare plus son achat, alors qu'acheté deux mois plus tard, il eût été reporté dans sa totalité. [...]
[...] Evidemment, le taux de chevauchement des couples hétérogames est loin du fatidique qui marque la fin des différences : l'homogénéisation par l'hétérogamie n'implique pas l'indifférenciation. Il faut noter que Vallet (1986) repère une lente croissance de l'hétérogamie des années soixante aux années quatre-vingt. Il pourrait en résulter une homogénéisation, sur le long terme, mais ce mouvement est imperceptible sur dix ans. [...]
[...] Les 16 postes les plus clivants permettent à eux seuls d'obtenir un taux de chevauchement de pour 1995 et de 19,8 pour 1985, ce qui est presque équivalent à l'analyse en 49 postes ; les intervalles de confiance se superposent donc, et la différence n'est pas significative non plus. Autrement dit, pour un ménage donné dont on sait qu'il est soit cadre, soit ouvrier, en observant sa structure de consommation sur 16 postes, il est possible de fournir une réponse juste sur son appartenance réelle dans des cas. Au vu des données, peu adaptées à la recherche de tels clivages, c'est la preuve qu'il reste des différences importantes dans la structure des coefficients budgétaires des dépenses de ces deux catégories socioprofessionnelles. [...]
[...] Les plus grandes avancées sont celles des retraités, qu'ils soient d'anciens agriculteurs, chefs d'entreprise ou cadres (codes 74). Les chômeurs n'ayant jamais travaillé (code 81) connaissent aussi une forte progression, effet vraisemblable de l'extension du chômage des jeunes à des milieux sociaux plus favorisés. En revanche, les catégories d'actifs, plus particulièrement salariés de statut privé, connaissent une élévation moindre sur cette hiérarchie des modèles de consommation. Surtout, entre cadres et ouvriers, l'écart des moyennes n'a pas varié en 10 ans. [...]
[...] Nous n'évaluerons pas cette seconde hypothèse[3]. En revanche, la première critique, radicale, que nous allons confronter aux faits, remet en cause jusqu'à l'intérêt descriptif des PCS. Sous une forme moins radicale, c'est-à-dire en termes tendanciels, elle affirme en tous cas qu'un rapprochement est à l'œuvre. Par conséquent, nous raisonnerons de façon descriptive, et sans contrôle aucun des effets propres du revenu, du diplôme, de la taille du ménage, etc. Pour exprimer en un jargon plus quantitativiste la critique qui nous intéresse ici, il serait possible de dire que la variance inter- catégories sociales diminuerait, en raison du moindre déterminisme sous-tendu par l'appartenance socioprofessionnelle, alors que la variance intra- catégorie croîtrait, en raison de l'apparition de clivages d'une autre nature Une telle hypothèse est séduisante elle nous promet la société ouverte mais sa confrontation aux faits pose de nombreuses difficultés. [...]
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