Le poète latin Juvénal, dans ses Satires, regrettait que le peuple romain "qui autrefois distribuait pleins pouvoirs, légions, tout, maintenant se replie sur lui-même et ne s'inquiète plus que pour les deux choses qu'il souhaite: du pain et des jeux". Cette dernière expression est devenue célèbre puisqu'elle a fréquemment été utilisée depuis pour illustrer la décadence progressive de l'Empire romain et de son peuple.
Elle illustrait l'intérêt croissant pour les divertissements et la satisfaction de leurs besoins alimentaires de base. Plus de vingt siècles plus tard, elle est régulièrement reprise par des observateurs du monde contemporain. Ils constatent, pour le regretter le plus souvent, le désinvestissement des citoyens pour la vie politique, au sens large et leur intérêt croissant pour les diverses formes de loisirs ou de distractions qui leur sont proposés, puisque leurs besoins primaires, notamment l'alimentation, sont largement pourvus. Cependant, cette installation progressive et incontestable de la majorité des habitants des pays développés dans un confort croissant (1), ne concerne qu'une minorité d'habitants de la planète et elle ne signifie pas que les citoyens se désintéressent totalement des problèmes politiques, économiques ou culturels mais plutôt qu'ils les appréhendent différemment (2).
[...] Elle s'est traduite par une espérance de vie plus importante, une diminution du temps de l'activité professionnelle et un accroissement considérable du pouvoir d'achat. Concrètement le temps de travail s'est sensiblement réduit. Il est maintenant compris entre 1400 et 1900h par an pour les salariés des pays développés alors qu'il approchait, voire dépassait les 3000h au début du XXe siècle. La période d'activité est également plus courte puisque l'entrée sur le marché du travail a été retardée et dépasse fréquemment 20 ans, la sortie s'effectuant vers 60 ans, voire plus tôt. Le temps du loisir s'est donc accru. [...]
[...] II/Une devise propre aux pays développés Mais si la société contemporaine semble accorder beaucoup d'importance au pain et aux jeux, cette évolution ne concerne que les pays développés et, dans ces pays, les catégories sociales les plus aisées. En outre, l'intérêt des citoyens ne se réduit pas à ces seules préoccupations. Dans les pays pauvres, où vivent plus de 4 des 6 milliards d'habitants de la planète, l'expression "du pain et des jeux" est, à l'évidence, moins pertinente que dans les pays riches. [...]
[...] Des "émeutes de la faim" peuvent se produire lorsque la situation devient préoccupante mais l'opinion publique étant fréquemment manipulée par les dirigeants au pouvoir ou par des opposants, ces manifestations sont rarement spontanées et ont souvent une signification politique différente de celle annoncée, à l'exemple des troubles qui ont lieu récemment à Haïti. Il est ainsi fréquent que des manifestations soutenues, voire organisées, par le gouvernement en place se déroulent dans les pays où le FMI a imposé un plan d'austérité pour relancer l'économie et sont, en réalité, des mouvements hostiles à la tutelle exercée par cette organisation internationale. Dans ces pays, l'intérêt pour les "jeux" est également réduit puisque la satisfaction des besoins primaires mobilise l'énergie de la majorité de la population. Il faut d'abord vivre ou parfois même survivre. [...]
[...] Ainsi, statistiquement et en moyenne, un salarié consacrera au cours de sa vie davantage de temps à regarder la télévision qu'à l'exercice de son activité professionnelle. Il sera en effet devant son écran 3 à 4h chaque jour pendant près de 80 ans alors qu'il ne travaillera, pendant une période de 38 à 42 ans, que 35 à 40h pendant environ 45 semaines chaque année. L'augmentation régulière du temps libre a favorisé le développement d'activités de loisirs qui sont peu perceptibles car très variées mais elles s'amplifient avec la diminution du temps de travail notamment en France depuis l'instauration des 35h: les activités "ludiques" se multiplient et prennent les formes les plus diverses. [...]
[...] le champ des loisirs s'est considérablement étendu. La société de consommation a également imposé des loisirs souvent coûteux tels que les jeux d'argent (tiercé, loterie, Loto). Cette passion pour les jeux d'argent coûte ainsi 20 milliards d'euros aux Français qui, pour les 2/3 d'entre eux, jouent au moins une fois par an. Ce "démon" du jeu est certes ancien puisque Grecs et Romains jouaient déjà des sommes d'argent aux osselets mais le développement des jeux d'argent est, à l'évidence, l'une des caractéristiques de la période contemporaine. [...]
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