Trop de commentaires de l'oeuvre de Frederic Winslow Taylor, père de l'organisation scientifique du travail, ignorent une de ses contributions essentielles, toujours actuelle et vivace. Il fut un des tous premiers promoteurs de l'implantation d'un nouveau système global de production via la manipulation des croyances des différentes catégories d'acteurs liées à l'activité industrielle : ouvriers, contremaîtres, ingénieurs, patrons, syndicats et politiques. Si l'histoire lui a attribué la paternité de la fonction d'ingénieur des méthodes, elle doit tout autant lui reconnaître celle d'« ingénieur du croire », une fonction légitimée et assumée aujourd'hui par une pléiade d'opérateurs dans l'univers de la production (...)
[...] Ce recours trop insistant aux aptitudes animales pour décrire celle des ouvriers en arrive à incommoder les membres de la commission : Au cours de cette enquête, nous n'avons pas à nous occuper des chevaux ni des oiseaux ; nous nous occupons des hommes qui font partie de la société et pour l'avantage desquels la société est organisée op. cité, p Taylor, op. cit p L'économie du croire consiste en une séquence liant une donation à une rémunération. [ ] Le croire est un lien, distendu, qui attache par une parole deux gestes distants (dans le temps). Par là il noue un dire à un faire. Réciproquement, cette inscription du dire dans le faire et du faire dans le dire constitue le croire en pratique expectative Certeau, op. [...]
[...] Pour les entrepreneurs, la complexification de l'organisation liée à la direction scientifique n'a pas forcément paru être opportunément couverte par l'abaissement de la masse salariale. Taylor a encore mal évalué la distance qui séparait son principe d'identité des intérêts de ce qui était réputé vraisemblable et donc croyable dans les représentations collectives de l'univers de la production industrielle. Il était impossible de faire croire sans délai à un principe radicalement opposé au référentiel commun et à une vision très dégradée du manoeuvre. [...]
[...] En premier lieu, l'adhésion à des propositions est un phénomène[6] durable et assure la pérennité de leur vraisemblance. En second lieu, ce ne sont pas uniquement la paix et l'harmonie sociales consécutives qui sont recherchées ainsi mais bien plus l'énergie liée à l'acte de croire. Croire[7] libère une énergie motrice d'engagement qui accroît considérablement les résultats de l'action, il s'agit donc de la capter et de la canaliser. Cela les hommes politiques le savent depuis l'aube de notre civilisation : Déjà Platon prônait qu'il fallait enseigner au peuple ces Beaux Mensonges de façon qu'il croie afin de marcher L'originalité de Taylor tient à l'introduction de ce principe dans la sphère de la production, principe qu'il ne tire vraisemblablement pas de sa culture politique assez rudimentaire mais plutôt de son héritage familial quaker. [...]
[...] cité p Lors des implantations faites par Taylor, il en découlait une disposition technique : le lendemain matin de chaque journée de travail, on remettait à chaque ouvrier une fiche lui faisant connaître en détail la quantité exacte de travail qu'il avait fournie la veille et le salaire gagné ; ceci lui permettait de comparer l'effort fourni au gain résultant alors que les circonstances étaient encore présentes dans sa mémoire. F. W. Taylor, op. cit 116. De façon plus générale, «l'ouvrier moyen (je ne dis pas tous les ouvriers ) ne peut pas escompter un bénéfice à six mois ou un an de date. Le bon temps qu'il est sûr d'avoir aujourd'hui, en en prenant à son aise, a pour lui plus d'attrait qu'un rude labeur avec une récompense possible à partager avec d'autres six mois plus tard. Taylor, op. cité 76. [...]
[...] Cependant, par la diversité des tâches et des fonctions qu'elle propose, l'entreprise est un lieu de travail universel, susceptible d'accueillir tous les profils d'homme. C'est pourquoi il est possible de construire une organisation de travail où l'on ne rencontre que des hommes de première catégorie c'est-à-dire montrant une parfaite adaptation à l'exercice de leur tâche. A cette dernière s'oppose une seconde catégorie d'hommes aux aptitudes nécessaires mais qui refusent obstinément de travailler Cette seconde distinction corrèle des critères psychomoteurs et moraux. [...]
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