Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la France connaît une période de reconstruction et de prospérité importante (les Trente Glorieuses). Les innovations technologiques (nucléaire civile, progrès de la médecine) et sociales sont nombreuses : parmi ces dernières, on notera le développement de la sécurité sociale et son extension à la majeure partie de la population. Cette période se caractérise donc par une augmentation de l'espérance de vie, l'émergence d'une nouvelle classe moyenne (importante numériquement) et la naissance d'une génération de retraités. La démocratisation scolaire et la mise en place de dispositifs incitant à une retraite précoce ont pour effet d'augmenter l'âge avant l'entrée dans la vie active (17 ans avant, 22 ans aujourd'hui) et de diminuer l'âge du départ en retraite (65 ans à 55 ans) : les conséquences furent pour un temps de diminuer les statistiques du chômage et de diminuer la production de richesse par habitant (certes compensée par l'intensification du travail). Quelques décennies parsemées de ces mesures ont contribué au développement d'un nouveau « groupe », les retraités. Leur nombre croît continuellement et le problème du financement de leurs pensions commence à se poser
L'image de la vieillesse se métamorphose progressivement : d'une vieillesse dans la pauvreté gouvernée par l'incapacité physique et la sénilités, les « vieux » se transforment en « retraités » (mieux nantis et en pleine possession de leurs moyens). Au-delà de toute attente, les nouveaux retraités développent un réseau associatif aux multiples facettes parmi lesquelles la défense de leurs intérêts ; défense qui se renforcera notamment à la suite du décret Bérégovoy de 1982 prévoyant une faible revalorisation des pensions. Dans une période où les dispositifs de préretraites n'ont jamais été aussi nombreux et où la question du financement des retraites est d'une actualité brûlante, il importe de revenir sur les conditions d'émergence « des retraités » pour comprendre quelles sont les armes de ce « pouvoir gris » pour reprendre Viriot Durandal et en déterminer l'impact sur l'Etat.
Plus nettement encore, en quoi le pouvoir gris le lobby gris sont ils le produit de l'Etat ? En quoi s'agit il d'un phénomène conjoncturel dont l'Etat tire profit ? Finalement en quoi la transformation du système de protection sociale est elle la clef de voûte nous permettant de saisir le phénomène du pouvoir gris et d'anticiper son évolution ?
En effet, notre thèse est que la classe des retraités est le produit d'une forme d'Etat providence en plein bouleversement : si les politiques de préretraites et de retraites oisives d'une génération économiquement mieux nantie ont permis l'émergence d'un lobby gris, la remise en cause de ces politiques et du système de préretraite en lui-même et du financement de la retraite pourrait menacer la reproduction et l'existence même de ce groupe. Au-delà, si ces politiques menaçantes ont aiguisé elles-mêmes le lobby gris, il n'est pas certain qu'il soit de taille à faire pression sur l'Etat.
Nos hypothèses sont donc d'une part, que « les retraités » en tant que groupe socialement représenté sont un phénomène conjoncturel sans espoir de reproduction parce que dépendant de logiques économiques qu'il ne maîtrise pas, tant du point de vue de la protection sociale que du point de vue social (reproduction de la classe moyenne et dynamisme économique)
D'autres parts, si comme nous le pensons, « les retraités » peuvent être amené à « muter »par adaptation à leur nouvel environnement, il semble curieux que cette métamorphose soit aussi longue : notre seconde hypothèse est donc que les retraités constituent une ressource qu'il s'agit d'exploiter au mieux : étant donné l'incertitude des bénéfices économiques et culturels qu'ils peuvent apporter, nous supposons que les orientations prise dans le cadre de la protection sociale et notamment des pré retraites a pour but de les « rentabiliser » pour un coût minimal.
Il s'agira donc d'une part de revenir sur les conditions d'émergence des « retraités » en reconsidérant le système de protection social et son évolution. Au-delà, nous étudierons les « retraités » du point de vue économique et politique.
Dans un second temps, nous expliciterons les bouleversements de l'Etat Providence et leurs conséquences sur les retraités : remise en cause et radicalisation des revendications
Enfin, nous étudierons l'utilité sociale des retraités et expliquerons en quoi la transformation de la protection sociale induit une rationalisation de l'utilité du potentiel de ce groupe.
[...] De plus, bien que les réformes soient réfléchies dans ce sens, la situation devient de plus en plus urgente : les coûts augmentent, en même temps que les retraités et le lobby gris pourrait se renforcer à l'avenir avec l'arrivée de classes moyennes plus nombreuses. Quelle est l'utilité sociale des retraités actuellement ? Quelle pourrait- elle être à la suite d'une modification du système de protection social ? Pourquoi la mutation est-elle si progressive ? L'utilité sociale actuelle des retraités. Avant tout, il convient de préciser le sens du terme utilité : nous pensons qu'un retraité est utile lorsqu‘il a une fonction économique, culturelle ou sociale. [...]
[...] D'autre part, la transition d'un modèle bismarckien à un modèle bévéridgien permet de comprendre que les politiques actuelles sont uniquement centrées sur le rapport au travail et l'emploi ; non pas que la réintégration des individus soit l'intérêt privilégié des dirigeants mais que le coût du RMI et autres aides financières les préoccupe davantage. Nous nous orientons donc vers le modèle que Esping Andersen décrit comme étant conservateur et donnant priorité au Marché. Cette mutation progressive aura pour effet direct de susciter la réaction des lobbys gris qui, a priori, devraient ne pas être très efficaces. (Viriot Durandal) Cependant, c'est la condition de retraité elle-même qui pourrait être amenée à se transformer sinon disparaître. Les politiques actuelles n'ont pas pour but de préserver le système de retraite public mais de gérer son agonie. [...]
[...] Mieux, cela rehausse le nombre d'actifs par rapport aux bénéficiaires de prestations. Ceci étant, nous maintenons qu'une telle politique est transitoire et se fonde sur un retour au plein emploi : le démantèlement du système de sécurité sociale devrait permettre de retrouver une situation économique favorable qui permettrait à la fois d'embaucher les jeunes tout en générant un marché de seniors Un tel marché permettrait justement de garantir la rentabilité d'une tranche de la population d'un point de vue économique, de désamorcer le problème du chômage des jeunes et le travail de consultant permettrait de conserver un minimum d'utilité sociale Conclusion A l'évidence, le phénomène des retraités est donc issu de la conjugaison d'un système de protection social particulier avec une impulsion étatique facilitant les retraites. [...]
[...] En quoi s'agit-il d'un phénomène conjoncturel dont l'Etat tire profit ? Finalement en quoi la transformation du système de protection sociale est-elle la clef de voûte nous permettant de saisir le phénomène du pouvoir gris et d'anticiper son évolution ? En effet, notre thèse est que la classe des retraités est le produit d'une forme d'Etat providence en plein bouleversement : si les politiques de préretraites et de retraites oisives d'une génération économiquement mieux nantie ont permis l'émergence d'un lobby gris, la remise en cause de ces politiques et du système de préretraite en lui-même et du financement de la retraite pourrait menacer la reproduction et l'existence même de ce groupe. [...]
[...] Pour autant, le développement effectif de la retraite attendra la fin de la Seconde Guerre mondiale et l'émergence de l'Etat Providence. Nous pouvons par ailleurs noter, rétrospectivement, que l'intérêt qu'a généré l'Etat au niveau des retraités était originellement une manœuvre stratégique pour éviter les perturbations éventuelles du Marché à cause de grèves. Il est donc à retenir que ce type d'acquis social est le fruit d'une lutte de pouvoir qui n'est pas tant une mutation structurelle logique que le fruit d'une conjoncture bien particulière. [...]
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