Pour Bourdieu, elle est avant tout « la moyenne des opinions », c'est à dire ce que pense la population à un certain moment. Pour P. Brand, l'opinion publique est « représentation socialement construite (par la presse, les sondages, les notables) de ce qu'est censé penser l'ensemble de la population ». L'opinion publique est souvent perçue comme une entité d'évidence souvent invoquée aujourd'hui par une série d'acteurs afin de légitimer leurs discours et leurs actes. Cependant, l'opinion publique n'est réellement devenue l'opinion des citoyens au sein de l'espace public qu'avec l'instauration de la démocratie libérale après la Révolution. Elle se réduisait auparavant à l'opinion de la bourgeoisie et de l'élite cultivée, « à un espace public au sein duquel s'exprime l'opinion correspondant aux idées de la bourgeoisie » (Habermas), mais l'élargissement du suffrage, le développement des masses, la diffusion de la presse a permis la naissance d'une opinion publique différente de celle de la bourgeoisie. Cependant, cette opinion a rapidement été instrumentalisée par les médias et les sondages afin de servir directement la classe politique. Cette thèse restitue de façon moderne l'idée de confiscation du pouvoir par la classe dominante.
La confrontation de ces différentes thèses nous conduisent donc à nous interroger sur les différents paradoxes que le concept d'opinion publique soulève : comment définir l'existence de l'opinion publique dès lors que l'existence de cette même opinion est contestée par les sociologues et les politologues, et plus encore comment mesurer sa nocivité ou ses bienfaits pour la démocratie? Enfin, quelle relation existe-t-il entre l'opinion publique et les médias? Plus généralement, l'opinion publique existe-t-elle, sous quelle forme, ou est-elle un artifice permettant de légitimer les décisions politiques? Existe-t-elle sous plusieurs formes?
[...] Une existence contestée L'opinion publique est contestée pour plusieurs raisons. En premier lieu parce qu'elle a été inventée et est donc artificielle, et d'autre part parce qu'elle est monopolisée par les instituts de sondage qui la façonnent selon l'image qu'ils ont envie de lui donner. Le raccourci entre sondage et opinion publique, l'analyse bourdieusienne de cet artefact. Bourdieu, à travers son article publié en 1973 consacré aux instituts de sondages, expose un certain nombre de postulats remettant en cause la scientificité et l'objectivité des sondages. [...]
[...] Ainsi, alors que l'opinion publique est censée procurer une liberté d'expression, elle érige des normes, et qui comme toutes normes entraîne de l'exclusion et de la marginalité. II Une existence légitimée par sa contribution à la démocratie et son utilisation massive Une existence consubstantielle à la démocratie légitimée par son omniprésence Une légitimité historique. L'opinion publique est devenue une figure emblématique et omniprésente dès les sphères politiques françaises avec la mise en place du système représentatif. Elle n'en est pas dissociable car elle en prolonge sa pertinence et prolonge la notion de souveraineté du peuple. Comme le précise B. [...]
[...] Une relation plus directe entre le peuple et les décideurs politiques. Dès la fin du XIXe siècle, James Bryce faisait de la démocratie d'opinion la seule démocratie véritable car il devait y être possible de connaître la volonté de la majorité à chaque instant, sans avoir besoin de la faire passer par l'intermédiaire d'une assemblée représentative, peut- être même sans avoir besoin du mécanisme électoral. L'autorité semblerait rester tout le temps entre les mains de la masse des citoyens L'opinion publique, légitimant le principe représentatif alimenterait les espoirs de réalisation d'une forme de démocratie directe. [...]
[...] L'opinion publique peut être perçue comme un pouvoir supplémentaire, entièrement détenu par le peuple et réellement inaliénable. La pression populaire peut exercer une certaine influence vis-à-vis de ses gouvernants à tout moment, et pas seulement aux moments des élections. Nul ne peut ignorer le pouvoir de pression que détient la vox populi en cette période troublée par le CPE. La voix de la rue peut parfois prendre plus d'importance que le pouvoir des gouvernants. Les résultats d'un sondage, ou encore d'une manifestation ont souvent été déterminants pour l'issue d'un projet de loi inscrit sur l'agenda politique. [...]
[...] Enfin, quelle relation existe-t-il entre l'opinion publique et les médias ? Plus généralement, l'opinion publique existe-t-elle, sous quelle forme, ou est-elle un artifice permettant de légitimer les décisions politiques ? Existe-t-elle sous plusieurs formes ? Hypothèse : l'opinion publique semble être un concept abstrait mais réel indispensable à la démocratie car c'est un prolongement de la représentation, mais elle peut également être un danger lorsqu'elle se réduit à l'image que les sondages en donnent. Nous pourrons voir pour cela que l'opinion publique est plus un artefact qu'un réel reflet de la démocratie et peut s'avérer être un danger pour la démocratie notamment lorsqu'elle est instrumentalisée, mais que la place qu'elle occupe aujourd'hui tend à lui donner une existence réelle grâce à son rôle de prolongement de la démocratie. [...]
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