La nostalgie du front, Pierre Theilard, Première Guerre mondiale, G. Mosse, Odile Roynette, solidarité au front, rapports sociaux, mémoire, mort, homme, nation, De Gaulle, identité psychique, historiens, crise de l'identité, nostalgie
L'historiographie s'intéresse de plus en plus à la "sortie de guerre", une notion qui s'est diffusée vers la fin des 2000's en France, et notamment concernant l'après 14-18. Cette notion succède à celle "d'après-guerre" qui s'attache aux conséquences politiques, économiques et sociales de la guerre. La sortie de guerre, quant à elle, est une approche plus dynamique, qui constitue un réel enjeu pour comprendre comment les sociétés ont amorcé ce processus de démobilisation des soldats, afin de reconstruire un système, qui pendant 4 ans, est régi par la guerre.
[...] L'entrée en guerre motivée par la passion de l'inconnu La plupart des mobilisés pour la Première Guerre mondiale sont des jeunes et qui n'ont donc encore jamais connu la guerre. C'est une expérience nouvelle pour eux. La particularité de ce texte ici, c'est qu'il montre que c'est cette quête de l'inconnu, cette curiosité qui motive les soldats à entrer voire rester en guerre. En effet, Theilard dit ligne 1 « Le moi énigmatique et importun qui aime obstinément le front, je le reconnais : c'est le “moi” de l'aventure et de la recherche — celui qui veut toujours aller aux extrêmes limites du monde ». [...]
[...] Roynette, tente d'expliquer cette nostalgie par le rôle d'une mémoire qui serait sélective et qui permettrait à ces anciens combattants de légitimer le fait qu'ils ressentent l'existence « d'un présent certes pacifique, mais décevant, opposé à un passé douloureux, mais parfois réconfortant » Et cette nostalgie de la fraternité des tranchées peut se répercuter de manière significative sur leur réinsertion dans la vie civile, dans laquelle les rapports sociaux sont plus individualistes, comme l'a montré André Bidroux dans Souvenir du temps des morts où il dit « le souvenir de ces relations cordiales avec des hommes vrais me rend sauvage et réfractaire aux comédies mondaines parmi des hommes fabriqués ». III- Une liberté inégalée au front, conséquence de la dépersonnalisation A. Se battre au nom de la nation Il faut rappeler ici qu'une fois entrés dans la Grande Guerre, les soldats ont conscience qu'ils peuvent mourir. Mais, pour beaucoup ils acceptent de se sacrifier au nom de la patrie. [...]
[...] Et c'est le fait d'avoir été confronté à la mort et d'y avoir échappé qui est à l'origine de ce changement de perception. C'est en tout cas ce que questionne Theilard quand il dit ligne 20 : « Est-ce uniquement la joie de “subsister” qui gonfle ainsi l'âme des rescapés de la guerre et rajeunit leur monde ? » Ainsi, les soldats aspirent à de nouvelles choses » et cette nouvelle perception de la vie est fondamentale pour appréhender le difficile retour à la vie civile des soldats puisque « Parmi les hommes, celui qui est passé́ par le feu, est une autre espèce d'homme. » l.25 On voit encore une fois combien l'écart entre la réalité du front et la réalité de la vie civile constitue un obstacle au retour des anciens combattants. [...]
[...] On peut faire le parallèle ici avec la nostalgie du front de De Gaulle, qui pour le coup, est un patriote entièrement pénétré d'un idéal militaire aristocratique. Et qui écrit à sa mère « je veux reprendre mon rang au combat. Je crois que le jour où il me sera donné de vous revoir sera le plus beau de ma vie, si je puis avoir l'espoir de combattre ». En somme, c'est la nostalgie de se sentir aussi utile et dévoué qui empêcherait les anciens combattants de retrouver une place au sein de la société civile, car ils ont du mal à redéfinir leur rôle. [...]
[...] Mais cette passion de l'inconnu, que Teilhard décrit, est sans doute à nuancer avec ses convictions religieuses. Car il veut aller aux extrêmes limites du monde pour avoir des « visions neuves et rares ». Et c'est dans ces perspectives et ses questionnements religieux que Teilhard cherche à s'approcher au plus près de la mort, car pour lui le front constitue la frontière du monde connu. On peut alors se demander si après avoir goûté à l'inconnu, ce qui est connu, en l'occurrence ici la vie en société en temps de paix, n'est pas difficile à supporter. [...]
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