Norbert Elias (1897-1990) est un sociologue à part, l'homme et son oeuvre ont connu un parcours chaotique avant d'accéder à la postérité. Né allemand, mais d'origine juive, il quitte l'Allemagne nazie en 1933. Son ouvrage majeur Uber den Prozess der Zivilization est rédigé à Londres entre 1937 et 1939, publié en allemand à Bâle avant le début de la guerre, il passe alors totalement inaperçu. Redécouvert 30 ans plus tard, la première traduction, française en l'occurrence, sera publiée en 1974 sous le titre de La civilisation des moeurs. Cette traduction ne concerne que la première partie de l'ouvrage d'Elias. La deuxième partie sera publiée un an plus tard sous le titre de La dynamique de l'Occident.
C'est La civilisation des moeurs qui sera ici l'objet de ma présentation. J'essayerai dans un premier temps de résumer la pensée de l'auteur et de mettre en évidence les thèses qu'il développe. Nous évoquerons ensuite la portée historiographique de cet ouvrage.
La première partie de ce livre intitulée Culture et Civilisation, fait en fait figure d'une longue introduction. Ce prologue est, à mon sens, incroyablement riche d'intérêt, il a pour but de nous faire comprendre la genèse de l'antithèse culture/civilisation, qui anime l'esprit des intellectuels allemands et les opposent naturellement à la conception française de ces deux termes. Nous ne pouvons pas nous contenter d'analyser les premières pages de cet ouvrage sans prendre en considération, le contexte historique dans lequel il est écrit, car ce serait à mon avis enlever à Elias le mérite d'avoir analysé et décrit d'une manière lumineuse, ce qui constitua l'un des piliers du nationalisme allemand de la fin du 19ème siècle, jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, et qui marqua également l'une des oppositions idéologiques profondes entre l'Allemagne et la France.
Il apparaît qu'il est fait un usage différent des termes de "culture" et de "civilisation" entre l'Allemagne et la France (de même que l'Angleterre). En France ces deux termes sont assez proche, la culture ayant un sens plus national, se rapportant à des aspects plus particulier de la nation française, qui fondent sa singularité, tandis que la civilisation désigne un processus historique plus universel, même si l'Occident en est perçu comme le moteur, ce qui d'ailleurs constitue l'une des grandes justifications de la colonisation. En Allemagne, en revanche, l'évolution des deux termes est allée vers une nette distinction (...)
[...] Son ouvrage majeur Uber den Prozess der Zivilization est rédigé à Londres entre 1937 et 1939, publié en allemand à Bâle avant le début de la guerre, il passe alors totalement inaperçu. Redécouvert 30 ans plus tard, la première traduction, française en l'occurrence, sera publiée en 1974 sous le titre de La civilisation des mœurs. Cette traduction ne concerne que la première partie de l'ouvrage d'Elias. La deuxième partie sera publiée un an plus tard sous le titre de La dynamique de l'Occident. [...]
[...] C'est là le point clé de ce processus de révolution des moeurs, qui en même temps qu'il s'affirme et se codifie, commence à se diffuser. On voit avec Elias que ce basculement est très rapide durant l'époque moderne, ce qui à mon avis justifie le fait d'insister, sur les relations entre la noblesse et la bourgeoisie. Car si ce mouvement a pu être aussi rapide, c'est en partie parce que la bourgeoisie, dans sa tentative de mimétisme permanant envers l'aristocratie, a poussé cette dernière à une surenchère et ainsi à une accélération du processus de civilisation. [...]
[...] C'est La civilisation des mœurs qui sera ici l'objet de ma présentation. J'essayerai dans un premier temps de résumer la pensée de l'auteur et de mettre en évidence les thèses qu'il développe. Nous évoquerons ensuite la portée historiographique de cet ouvrage. La première partie de ce livre intitulée Culture et Civilisation, fait en fait figure d'une longue introduction. Ce prologue est, à mon sens, incroyablement riche d'intérêt, il a pour but de nous faire comprendre la genèse de l'antithèse culture/civilisation, qui anime l'esprit des intellectuels allemands et les opposent naturellement à la conception française de ces deux termes. [...]
[...] Notons que toutes ces évolutions n'ont pas été pas guidées par des considérations hygiéniques, mais par une codification progressive de ce qui est bienséant et de ce qui ne l'est pas. Les fonctions corporelles, besoins naturels, toilette, investissent désormais intégralement la sphère privée. Le sexe devient quant à lui un sujet complètement tabou, sujet autour duquel la contrainte sociale va être totalement exacerbé par le puritanisme bourgeois du 19ème, et dont les conséquences furent visible durant une très grande partie du 20ème siècle ! [...]
[...] Dans un cadre plus sociologique, ce processus historique est pour Elias la conséquence du déplacement progressif du fameux seuil de pudeur au sein de la société et de ses structures, et donc d'une évolution générale des sensibilités. Les normes et les usages évoluent à mesure que les pulsions sont de plus en plus contrôlées. De là se crée un lien avec la psychanalyse de Freud, et la définition d'un moi et d'un surmoi Un cycle à la fois conscient et inconscient se met en place avec plusieurs phases : l'apprentissage des normes, dès le plus jeune âge - l'intériorisation de ces normes, avec une assimilation souvent inconsciente de celles-ci - et l'autocontrainte, qui pousse les gens à une maîtrise consciente et forcée de certaines pulsions, sous peine de s'exclure soi-même de la société. [...]
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