Niall Ferguson fait ici une analyse à la fois religieuse, sociologique et économique en opposant d'une part les Etats-Unis et l'Europe, et plus loin dans le texte, l'Europe protestante et l'Europe non-protestante. Il s'efforce donc à la fois de reprendre et d'expliquer la thèse de Weber par rapport au rôle de la pratique religieuse, mais se sert de cette thèse pour aller plus loin dans son analyse et créer un tableau détaillé de la situation économique des différents pays mentionnés.
Il commence dans les premières lignes par citer Max Weber et son ouvrage « L'éthique protestante et l'Esprit du Capitalisme », pour nous faire bien comprendre que c'est cet ouvrage et son contenu qui ont guidé et influencé son analyse personnelle du monde actuel.
Voici la thèse de Weber : au début du XVIe en Allemagne, apparaît la religion protestante, et presque simultanément se développe le capitalisme. Donc, Max Weber pense que les valeurs et les comportements prônés par les protestants ont été favorables à l'essor du capitalisme. En effet, le protestantisme considère que l'individu doit d'abord se comporter en ascète, c'est-à-dire à ne pas chercher à jouir des biens de ce monde et avoir des règles de vie très strictes, ce qui pousse les protestants à peu consommer et à épargner les richesses qu'ils produisent. Pour les protestants, la réussite professionnelle est considérée comme le signe d'une élection divine. Réussir professionnellement leur permet de penser que, peut-être, ce qu'ils font sur terre est approuvé par Dieu. En effet, contrairement aux catholiques, il n'y a pas de médiateurs chez les protestants entre les individus et Dieu.
Sans introduire pour l'instant le cas américain, Ferguson tire de cette thèse la conclusion que même l'analyse contemporaine de l'économie européenne, près d'un siècle après celle de Weber, répond toujours aux mêmes critères et arrive toujours à la même conclusion : alors qu'avant, les pays protestants menaient l'économie européenne et la faisaient s'étendre, c'est aujourd'hui le déclin de cette même religion qui explique également le ralentissement économique européen. La thèse de Weber semble donc se vérifier en Europe occidentale, mais de façon renversée.
[...] La théorie de Max Weber partiellement vérifiée par des statistiques. D'après Bradford DeLong, la théorie de max Weber a permis d'expliquer le développement des pays industrialisés dans le siècle dernier. Par exemple, on observe bien que, en 1870, les pays qui avaient le revenu par habitant le plus élevé étaient des pays dont la population était protestante ou à forte minorité protestante. En effet, il s'agissait de l'Australie, de la Belgique, des Pays-Bas, de la Suisse, et des Etats-Unis. De même, en 1913, les Etats dont le revenu par habitant dépassait les 2000 dollars étaient également des Etats protestants. [...]
[...] Selon lui, les premiers énoncés éthiques de l'esprit du capitalisme se retrouveraient chez les humanistes italiens du XVe siècle. Par ailleurs, on reproche à Weber le fait que le protestantisme et le capitalisme ne se passent que rarement en même temps. En effet, il n'y a qu'en Nouvelle-Angleterre (région du nord-est des Etats-Unis qui correspond aux six colonies anglaises fondées au XVIIe siècle : New Hampshire, Massachusetts, Rhode Island, Connecticut, Maine, Vermont) que l'on peut observer une naissance du capitalisme parallèle à la naissance du protestantisme. [...]
[...] On sent qu'il s'agit là plus que d'un constat économique, c'est un jugement moral, les Européens sont moralement condamnés. Et ce qui pour Niall Ferguson passe pour être de la paresse, à savoir ne pas travailler beaucoup, peut ailleurs être un signe de sagesse ! (Est-il besoin de rappeler la signification originelle du mot travail : instrument de torture ? ) II. Confrontation et remise en question de cette théorie 1. La théorie de Max Weber est-elle toujours d'actualité ? [...]
[...] De plus, si comme l'affirme Ferguson le déclin du travail en Europe du Nord de pair avec le déclin [de la pratique religieuse] du protestantisme, l'existence même du capitalisme n'est en rien remise en cause dans ces pays ! Homo oeconomicus par vocation, l'homme moderne le restera par intérêt Enfin, il n'explique pas la diminution 15 à 20% de l'ardeur au travail dans les pays européens à majorité catholique ! - Il semble que Ferguson se contente d'énoncer une relation certes statistiquement vérifiable mais néanmoins contestable parce que limitée, pour justifier un jugement de valeur sans réel fondement rationnel condamnant une culture européenne qui ne se réaliserait plus uniquement dans le travail ; il semble alors que ce texte, sous couvert de la confirmation d'une thèse économique, soit en réalité un pamphlet contre une vision moins ascétique ou puritaine du travail dans les sociétés européennes contemporaines, au profit du temps de loisir On sort donc ici d'un processus de détermination religieuse d'une économie pour poser la question d'un choix conscient de société. [...]
[...] Mais, il est vrai que, comme le pense Niall Ferguson, le déclin économique de l'Europe de l'Ouest va de pair avec le déclin du protestantisme dans cette région. Par exemple, l'Australie, qui était à dominante protestante, comporte, selon des chiffres datant de de protestants, et 26% de catholiques. Parallèlement, alors que, en 1913, elle précédait les Etats-Unis et était loin devant la France, en terme de revenu par tête, en 1979, elle se retrouve même derrière la France. D'autre part, on voit sur le graphique ci-dessus que les pays protestants, en l'occurrence le Royaume-Uni et les Etats-Unis, ont un taux de chômage standardisé en pourcentage de la population civile inférieur aux pays de la zone euro, qui sont majoritairement catholiques. [...]
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