La méthodologie de l'entretien, utilisé depuis longtemps en sociologie, a mis l'accent sur les conditions sociales de production d'un discours toujours conçu dans une situation particulière : celle d'un discours in situ, c'est à dire une rencontre et un échange entre un enquêté et un enquêteur dotés de caractères spécifiques et non pas un simple prélèvement d'informations.
Depuis quand exactement est-elle utilisée ?
On retrouve des écrits sur des entretiens « sociologiques » dès 1862 avec Le Play. Celui-ci menait une vaste enquête sur les conditions de vie des ouvriers européens et cherchaient à faire coopérer les enquêtés plutôt que de leur administrer un simple questionnaire. En effet le terme entretien renvoie au départ à un discours d'égal à égal entre deux souverains en matière diplomatique par exemple. Cette technique d'enquête est donc née de la nécessité d'établir un rapport plus égalitaire entre l'enquêteur et l'enquêté que dans le cas du questionnaire. Selon les écrits de Le Play, il se faisait cependant souvent accompagner d'un « officiel » : le commissaire de police ou le curé, pour légitimer son action.
[...] Donc de nombreux choix sont faits par l'enquêteur. Il sélectionne les entretiens qui l'intéressent et qu'il va creuser. Il est celui qui analyse les données et propose une théorie plus généraliste à partir d'elles. Appliquer une méthode stricte comme proposée par certains manuels revient au final à donner un cadre dirigiste qui oriente les réponses de l'enquêté. Par exemple, le fait même de présenter l'objet de l'entretien influera sur les réponses de l'interviewé qui a une certaine représentation sociale du travail de l'enquêteur et cherchera à "donner la réponse juste" à l'enquêteur, ce qui est exactement tout le contraire de ce pour quoi l'entretien est fait. [...]
[...] Finalement, la seule chose qui garantisse la qualité des données recueillies est la conscience du sociologue de toutes les influences extérieures qui ont pu jouer au cours de l'interview. [...]
[...] Chacune de ces caractéristiques joue sur la représentation que l'interviewé se fait de son rôle de l'entretien. Certaines configurations facilitent l'entretien, configurations de la vie courante : rapport de séduction, conversation avec un ami, interrogatoire face à un évaluateur . La différence de classes sociales peut inhiber complètement l'entretien : les membres des classes inférieures refusent parfois de parler, car l'enquêteur est vu comme le représentant d'une classe qui a du pouvoir sur eux, tandis que les membres de classes supérieures jouent sur l'intimidation de l'enquêteur. [...]
[...] Si l'enquêté s'étend un peu trop, on fait une synthèse de la question puis on introduit un nouveau thème : problème : on peut dans ce cas-là casser la dynamique de l'entretien. Directif : Ce type d'entretien s'apparente sensiblement au questionnaire si ce n'est que la transmission se fait verbalement plutôt que par écrit. Ne pas oublier non plus d'autres formes plus originales comme les entretiens collectifs ou focus group développés en France par Alain Touraine, mais qui sont très difficiles à expérimenter pour de jeunes enquêteurs comme nous. [...]
[...] Toute théorie d'une neutralité de l'enquêteur peut ainsi être interprétée comme un postulat voire même une utopie. Dès lors, est-il souhaitable de tendre vers une neutralité totale de l'enquêteur ? Est-il possible d'édifier une science de l'entretien Ce que l'on peut observer au premier abord, c'est la croyance en des représentations de l'enquête faussées par l'enquêteur dans le cadre de l'entretien non directif : il y a en fait une interaction dans laquelle l'enquêteur est forcément pris. Ce que l'on peut affirmer à partir de là, c'est que ces interactions relèvent en partie des représentations théoriques de l'enquêteur par rapport à l'entretien. [...]
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