« Les sciences sociales sont terriblement à la mode. […] C'est la tarte à la crème de toutes les réunions mondaines, de tous les discours, de tous les journaux, et nul n'a de l'esprit s'il n'est sociologue ». Ainsi s'exprime Henri Hauser dans un rapport de 1903 sur l'enseignement des sciences sociales. Pourtant, le mot même de sociologie n'existe pas au début du XIXème siècle. C'est donc l'ébullition culturelle et politique du XIXème siècle, associée à la force nouvelle des questions sociales qui ont permis l'essor d'une discipline nouvelle et donc avec elle, celui d'un mode de pensée, de paradigmes neufs. En effet, la révolution industrielle a bouleversé la société et l'avènement de la sociologie correspond à une formalisation des réflexions sur la société rendue indispensable pour penser la question sociale. En 1830, Auguste Comte en invente le terme mais il faut attendre 1913 pour qu'Emile Durkheim inaugure la chaire de sociologie à la Sorbonne. Ainsi, si aujourd'hui, le Petit Robert définit la sociologie comme une « étude scientifique des faits sociaux humains », le caractère scientifique de la discipline a mis du temps à s'imposer et à se diffuser partout en Europe. Aussi l'étude des conditions et modalités de la naissance de la sociologie met en lumière son caractère inégal et controversé mais également inéluctable car elle répond à la modernisation des sociétés et des Etats. Puisque la modernisation touche inégalement les pays européens, on observe de façon similaire, des rythmes différents de naissance de la sociologie. Elle apparait en premier lieu en France puis dans quelques pays occidentaux avant de se diffuser vers l'Europe orientale. L'impulsion théorique provient principalement de France et d'Allemagne selon des nuances à distinguer. La naissance de la sociologie européenne est donc un phénomène original qui donne un reflet particulier de son temps.
Comment nait et se traduit le besoin de penser la société de façon scientifique?
La naissance de la sociologie européenne à la fin du XIXème siècle, bénéficie d'un triple contexte : les mutations sociopolitiques favorisent la réflexion sur la société (I), les cadres conceptuels permettent l'établissement d'une science nouvelle (II) et les pères fondateurs mettent en place des jalons méthodologiques indispensables (III)
[...] Le travail d'Émile Zola oscille entre journalisme, littérature et sociologie : dans son œuvre consacrée aux Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire, il narre minutieusement les conditions de vie de cette nouvelle France d'en bas. Le romancier doit être à l'écoute de la société et rendre compte de ses injustices. La naissance de la sociologie témoigne du besoin de trouver des réponses aux problèmes de l'heure. Ainsi, elle va être un moyen pour comprendre et appréhender les masses qui se développent et inquiètent le pouvoir . associée à la modernisation de l'État Le XIXe siècle est celui d'une indéniable modernisation de l'État. [...]
[...] Ainsi, le XIXe siècle tout entier est jalonné de tentatives de penser la société pour la rendre plus juste. De cet héritage idéologique, la sociologie retiendra la prise en compte de la société comme un objet d'étude à part entière ainsi que la conscience d'un rôle social celui de participer à l'avènement d'une société meilleure. A . formalisé par la rationalité scientifique C'est au XIXe siècle que se développe le positivisme qui influence la pensée scientifique. En effet, avec l'essor de l'industrialisation, le savoir doit désormais reposer sur des preuves tangibles et vérifiables à travers des expériences que l'on peut répéter. [...]
[...] C'est ainsi que Comte est le premier à employer le terme sociologie, domaine du savoir qu'il assimile à une physique sociale. Les positivistes sont rationnels et cherchent, par l'abandon d'uniques constructions mentales, à fonder le savoir dans une perspective scientifique. Cette vision rationaliste de la société est contemporaine d'un abandon progressif des théories du contrat d'après lesquelles l'état de société serait pour l'homme une perversion de son état de nature (Hobbes ou Rousseau). Désormais, l'homme est naturellement fait pour vivre en société. [...]
[...] La recherche se veut désormais rationnelle. Par exemple, Montesquieu adopte dans ses Lettres Persanes, une démarche comparative en opposant les Perses aux Occidentaux pour tenter de comprendre les normes régissant la société. De plus, la Révolution Française inaugure une société désormais faite d'individus et non plus de corps organisés. En consacrant par la constitution l'égalité politique entre citoyens, elle souligne l'inégalité de fait qui persiste, voire s'aggrave. Un autre héritage consiste dans le rôle que doivent désormais jouer les intellectuels dans la société. [...]
[...] Les recensements et les sondages se multiplient. Ainsi, en 1833, un bureau de statistiques générales voit le jour au sein du ministère du Commerce. Ces statistiques permettent de définir ces classes qui décident pour beaucoup des orientations politiques. Cet essor est motivé par la crainte que les classes laborieuses assimilées d'après le titre de Louis Chevalier aux« classes dangereuses mal connues et insaisissables, inspire à l'élite sociale. La sécularisation est également symptomatique de la modernisation des États : le religieux quitte petit à petit la sphère publique pour se replier sur la sphère privée. [...]
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