La mort n'est pas un sujet abordé fréquemment dans le monde contemporain, si ce n'est autour du 2 novembre, le jour des morts dans la tradition catholique. Le reste du temps, il y a toujours un malaise à aborder cette question, comme si le fait de l'évoquer pouvait porter malheur. Le jour des morts, avec ses derniers rituels (visite au cimetière, chrysanthèmes…) permet en quelque sorte de s'affranchir de ce sujet en le cantonnant à un jour unique de l'année. Ce malaise s'explique bien sûr par le fait que la confrontation à la mort de l'autre nous renvoie à la perspective de notre propre mort. Par superstition, l'évoquer risquerait de la provoquer, on préfère ne pas y penser, l'oublier et conserver l'illusion d'une immortalité.
Ce premier constat est-il suffisant pour parler d'un tabou autour de la mort ?
[...] Et pendant tout le Moyen-âge, morts et vivants coexistent : les cimetières sont des lieux qui comprennent des habitations, des commerces, parfois des artistes ambulants. Dans la période romantique, on assiste à une dramatisation de la mort, à une certaine complaisance à son égard, dans une sorte de fascination macabre. A cette époque, le deuil devient ostentatoire. Encore au début du XXe siècle, en Occident, la mort d'un homme modifie l'espace et le temps d'un groupe social, comme le village. [...]
[...] La mort de chacun est un évènement public. La distance entre la mort et les vivants était moindre, la mort était familière. Bien sûr, la mort est toujours vécue comme une déchirure, mais elle est acceptée, attendue avec sérénité, comme l'application de la loi de l'espèce humaine ou de la volonté de Dieu à laquelle on ne peut se dérober. Les sociétés se résignent face à la mort. La mort est apprivoisée et acceptée La mort dans les sociétés contemporaines, interdite refoulée A contrario, le XXe siècle a été marqué par une révolution dans l'appréhension de la mort : alors que celle-ci était jusqu'alors présente et familière, elle va s'effacer et disparaître de l'espace public. [...]
[...] Comment concilier la société avec la mort, l'homme avec sa propre finitude ? Plutôt que de nier la mort, il faudrait la reconnaître, l'assumer, mettre fin aux illusions d'immortalité pour reconnaître la mort comme une condition de la vie. P. Ariès Essais sur l'histoire de la mort en Occident, Paris, Le Seuil P. Ariès L'homme devant la mort, Le Seuil N. Elias [éd. orig., 1982], La solitude des mourants F. [...]
[...] Les progrès de la médecine et le déplacement de la mort vers l'hôpital ont aussi contribué à nourrir l'idéal d'un corps toujours jeune, beau et en bonne santé, si bien que sont cachés le vieillissement, la dégradation et bien sûr la mort. Désormais, pour mourir dignement, il faut mourir presque en cachette, dans la discrétion, pour ne pas indisposer ceux qui restent. La vision de la maladie, de la dégénérescence du corps est devenue indécente. C'est ainsi que la mort est niée, le deuil réduit à sa plus simple expression, déritualisé : il faut s'en débarrasser au plus vite. [...]
[...] Une société du bonheur qui évacue la mort hors de l'espace public sans pour autant empêcher des résurgences ponctuelles du thème de la mort. I. La mort, le tabou des sociétés modernes ? 1. La mort dans les sociétés traditionnelles, apprivoisée Des sociologues et des historiens se sont penchés sur l'évolution de la conception de la mort au cours de l'Histoire. L'ouvrage de référence est sans doute l'Essai sur l'histoire de la mort en Occident, du Moyen Age à nos jours, de Philippe Ariès. [...]
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