Le travail humanitaire se définit comme un engagement bénévole et non gouvernemental de professionnels, notamment médicaux, au contact direct de populations souffrantes. Cette acception courante masque cependant une réalité plus complexe d'un univers où se mêlent aussi bien bénévoles que salariés, logisticiens, médecins, administrateurs, engagés ponctuellement ou dans le long terme. L'humanitaire correspond à une pratique sociale particulière : entre militantisme et activité professionnelle, il emprunte aux « répertoires d'action » des deux champs pour finalement constituer un phénomène en soi, au répertoire d'action qui lui est propre et dont les processus et mécanismes constituent des « pratiques sociales et politique demandant pour être explicitées, de sortir de la seule analyse du militantisme ou de la sociologie de la mobilisation pour faire appel à la sociologie du travail et des professions, à la sociologie politique et des politiques publiques, à l'ethnographie, aussi bien qu'à l'histoire et à la science politique par exemple, qui seules permettent de restituer l'ensemble des expériences sociales constitutives de « l'identité » de ces salariés devenus militants. » En effet, comment les volontaires deviennent-ils des militants de la « cause humanitaire » ? Quels sont les processus et par quelles pratiques sociales s'emparent-ils d'une idéologie pour défendre la cause de « ceux qu'on ne représente plus » ? Quel rapport au politique masque cette idéologie neutralisée par l'urgence et la nécessité de la cause ?
[...] Les acteurs des ONG, du siège au terrain, Paris, Presses de Science Po Annie Collovald, De la défense des ‘pauvres nécessiteux' à l'humanitaire expert. Reconversion et métamorphoses d'une cause politique Politix Vol.14, p.135-161. Charles Tilly, les répertoires d'action collective Politix A.Giddens, La constitution de la société. Elépménts de la théorie de la structuration, Paris, PUF Annie Collovald, De la défense des ‘pauvres nécessiteux' à l'humanitaire expert. Reconversion et métamorphoses d'une cause politique Politix Vol.14, p.135-161. [...]
[...] L'institution effectue un travail d'homogénéisation et de construction d'une identité collective. La nécessité de produire une unité du discours chez les membres de l'institution est génératrice d'un travail disciplinaire et pédagogique de l'institution sur les volontaires : chacun reçoit en effet à son arrivée au sein du groupe un kit à penser et à faire qui transmet les codes des activités humanitaires, les protocoles du quotidien de l'expatrié: de même les briefings et autres formations ont vocation à doter le volontaire d'un bagage d'arguments, de justifications de l'engagement, de le familiariser avec les positions politiques de l'ONG : véritable processus d'acculturation que l'on retrouve dans les pratiques du militantisme au sein d'un parti. [...]
[...] L'action humanitaire pouvant se concevoir comme un système concurrentiel à celui des Etats. L'interaction entre individu et institution ou comment entretenir la foi des militants Le travail des militants sur eux-mêmes Les raisons pour lesquelles les individus s'engagent dans l'humanitaire ne répondent pas à un schéma type en fonction de prédispositions sociales et d'un zest d'humanisme qui les inciteraient à passer à l'action. Ce qu'il faut rechercher, ce n'est pas tant ces raisons objectives ou les déterminants sociaux que peuvent constituer une socialisation dans un univers communautaire, un goût prononcé pour le risque et les voyages, ou des origines étrangères, mais les justifications que les militants donnent de leur engagement. [...]
[...] Il convient pour cette dernière d'aider le personnel à s'approprier les formes et le discours de la motivation légitime. Les motivations doivent donc être analysées dans une perspective relationnelle : notre perception de nous même dépend du rapport qu'on entretien avec les autres. Les motivations ne sont donc pas réductibles aux seuls motifs allégués par les acteurs : la question de l'estime de soi est essentielle pour comprendre l'engagement. Dauvin et Siméant parlent de la mise en scène d'un je héroïque, compatible avec les valeurs que l'institution cherche à promouvoir Les motivations individuelles sont confondues avec l'image publique que rend l'organisation. [...]
[...] L'humanitaire reste une des façons par laquelle une partie du monde se représente la souffrance et une nouvelle façon de penser la solidarité, en dehors de l'action des gouvernements qui contribue à penser les rapports sociaux dans un cadre non politique : Il constitue une sorte d'idéologie dépolitisée où l'action est menée non pas par ceux qui souffrent mais par ceux qui s'en offusquent, sous l'égide bienveillante des droits de l'homme. La version institutionnelle apparaît moins héroïque et plus uniforme que les motivations de l'engagement des individus qui lui sont inhérentes. Il convient cependant d'éviter une approche mécaniste de l'engagement, du fait de la diversité de l'humanitaire et de ses rétributions. Pascal Dauvin, Johanna Siméant, Le travail humanitaire. [...]
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