Miklos Radnoti et Robert Desnos sont tous deux des poètes de la guerre. Ils ont transcrit la souffrance, l'angoisse et la mort, en défendant jusqu'au bout l'espoir et la liberté. Ils ont lutté contre la propagation du fascisme avec ardeur, utilisant les armes qui étaient à leur disposition : l'engagement politique, et la poésie.
Il est curieux de voir comment leurs destins tragiques – le destin de millions de victimes de la Seconde Guerre mondiale – se recoupent. L'un hongrois, passionné par la France, traducteur de La Fontaine et d'Apollinaire, et l'autre, français, au triste parcours à travers l'Europe de l'Est, tous deux morts à la libération des camps, alors que l'espoir finissait enfin par renaître.
On retrouve cette similitude des destins dans leurs écrits. La prégnance de l'angoisse, la lucidité quant à leur propre sort, les envolées lyriques aux souvenirs des êtres aimés, et surtout les écrits jusqu'aux derniers instants, jusqu'à l'imminence de la mort. Les derniers poèmes de Radnoti ont été retrouvés dans les poches de son cadavre, dans la fosse commune où il a été jeté, comme des milliers de STO hongrois.
Ses « razglednice » (« cartes postales » en serbo-croate) sont des témoignages effroyables de sa dernière marche forcée. Le lyrisme des évocations du souvenir de ses amours, Fif et Judit, mêlé au réalisme très dur du récit de sa mort imminente – son dernier poème date de dix jours avant son décès – rend ses poèmes d'autant plus poignants.
[...] (trouver qui rend les derniers poèmes de Radnoti si forts: ils créent un contraste entre ce lyrisme parfois bucolique, et l'effroyable sort qu'il subit. Dans son premier razglednice, il mentionne son amour comme lueur d'espoir dans le chaos de la guerre: Mais ton image demeure dans ce grand bousculement,/ au fond de moi lumineuse, et stable éternellement, / tel l'ange qui fait silence devant le monde détruit, / l'insecte qui fait le mort au creux de l'arbre pourri. Ici, le monde est devenu nuit, et seuls des sentiments véritablement humains et heureux persistent, comme la lumière d'une étoile: puissante et surtout inatteignable. [...]
[...] 1945[39] En réalité, ce texte est le résultat d'une traduction approximative à partir du tchèque de la dernière strophe d'un poème de Desnos écrit en 1926 et dédié à Yvonne George : J'ai tant rêvé de toi : J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, Couché avec ton fantôme Qu'il ne me reste plus peut-être, Et pourtant, qu'à être fantôme Parmi les fantômes et plus ombre Cent fois que l'ombre qui se promène Et se promènera allègrement Sur le cadran solaire de ta vie. [...]
[...] D'autre part, ils consistent, pour les poètes, en la dernière parcelle d'humanité qui leur reste, que la barbarie s'est acharnée à anéantir. Dans sa troisième razglednice du 24 octobre 1944, Radnoti témoigne de l'horreur de sa marche forcée, en décrivant sa souffrance avec un réalisme cru: tous les prisonniers urinent du sang, nous piétinons là, fétides et fous C'est aussi le cas dans le 4ème: Je suis tombé près de lui. Comme une corde qui saute, son corps, roide, s'est retourné. [...]
[...] Mais tout comme dans les razglednice de Radnoti, on retrouve le réalisme de la dénonciation de cette guerre, mêlée à l'espoir qui persiste malgré la lucidité du poète quant à son destin, et aux évocations heureuses de ses amours laissées derrière lui. I Biographie des auteurs II L'imminence de la mort: la poésie comme dernier témoignage pour dénoncer la guerre III Le lyrisme persistant: la preuve que la guerre n'est pas capable de tout anéantir I Biographie des auteurs Robert Desnos est né en 1900 à Paris, dans une famille de petit-bourgeois commerçants. [...]
[...] Miklos Radnoti est né en 1904 dans une famille juive. Il perd sa mère en couche et son père à l'âge de douze ans. Sa belle-mère et son oncle l'élèvent, et le poussent à une carrière commerciale, ce qu'il fait. Mais il reste malgré tout un poète. Il publie son premier recueil de poèmes à l'âge de vingt-et-un ans: Pogàny kösönto. Déjà, ses poèmes sont engagés contre le régime, ce qui lui vaudra plus tard de courtes peines de prison. [...]
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