Bourdieu, jeunesse, construction sociale, processus sociaux, Margaret Mead, Philippe Ariès, Elias, savoir-vivre, éducation, Philippe Perrenoud
En 1999, se tenait un colloque au Portugal, Définir la jeunesse ? D'un bout à l'autre du monde. Différents sociologues francophones s'intéressèrent aux processus d'analyse de ce concept qui, d'emblée, apparaît si intuitif. Après tout, la jeunesse, c'est une étape, une période par laquelle nous passons tous avant de devenir adulte, période où notre identité se forme tout autant qu'elle est formée par l'ensemble de ce qui nous est inculqué. Cette définition commune de la jeunesse ne résiste pas longtemps à l'analyse scientifique.
[...] C'est après-guerre que la jeunesse, dans son acception moderne, va apparaître. La massification de l'éducation conjuguée à une prise en compte politique des jeunes vont conduire à en faire une véritable catégorie sociale dont la création est du Ministère de la Jeunesse et des Sports est la consécration. La jeunesse n'est plus alors une étape morale, psychologique, identitaire ou affective mais devient un objet de politiques publiques, un enjeu de luttes entre partis politiques et organisations militantes. En somme, la jeunesse, longtemps confinée à la sphère privée, devient une affaire d'Etat. [...]
[...] Dans son ouvrage célèbre, Philippe Ariès montre comment, au XVIIIème siècle, l'enfance apparaît dans son sens moderne mais avec des pratiques qui apparaissent, aujourd'hui, désuètes. Selon l'historien, c'est la classe qui définit le rapport à la jeunesse : dans les familles les plus pauvres, l'enfance est discrète et, rapidement, abandonnée pour le travail (vers 12 ans) tandis que dans les familles les plus riches, l'éducation - qui va de pair avec les manifestations affectives - est sexuée : dès 7 ans, le père s'occupe des fils. Bref, la jeunesse n'aurait pas de fondements différents autres que les déterminants socio-historiques. [...]
[...] Définir la jeunesse, c'est définir cet espace d'entre-deux, entre l'enfance et le monde adulte et l'ensemble des déterminants que ce passage implique. En ce sens, la définition de la jeunesse comme catégorie commune à un ensemble d'individus dotés de droits, de devoirs, d'aspirations etc. Ces luttes prennent donc pour objet l'usage de la jeunesse pour les différentes fractions de la société. En ce sens, l'intérêt des membres de la main droite de l'Etat (la noblesse d'Etat pour Bourdieu) n'est le même que celui de la main gauche (les fonctionnaires), ni des industriels, voire de la jeunesse elle-même. [...]
[...] Autrement dit, être jeune c'est avant répondre des codifications sociales imposées par l'ensemble social tout en construisant, interprétant d'autres manières d'être. On voit donc qu'être jeune, c'est manier le mélange subtil entre construction identitaire et assignation statutaire. Conclusion Dire que la jeunesse est une construction sociale peut apparaître, d'emblée, comme une assertion délicate tant les processus biologiques ayant cours à cette période sont intuitifs. Nous avons donc d'abord cherché à montrer que la sociologie ne s'oppose pas à la biologie en s'intéressant à l'usage de la jeunesse plutôt qu'à ses manifestations. [...]
[...] Dès lors, la jeunesse apparaît comme une catégorisation particulière dont il convient de questionner l'usage et les intérêts pour mieux renseigner de la société en général : de quelles manières la jeunesse est-elle l'objet de luttes sociales qui, en la définissant, cherchent à l'encadrer ? Dans un premier temps, nous montrerons la diversité spatio-historiques de ce que nous appelons jeunesse. Par suite, avec l'entretien fondateur de Pierre Bourdieu sur la question, nous chercherons à comprendre ce que recouvre la notion de « jeunesse » dans son acceptation occidentale et les luttes de définition qu'elle engendre. [...]
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