Evénement profondément original, Mai 68 renvoie à différentes réalités dans l'inconscient collectif. Révolution, simple mouvement de protestation, crise sociale assortie d'une crise politique, les qualificatifs sont nombreux pour les faits qui marquèrent le mois de mai 1968 en France, et posent la question du caractère profond de cette courte période qui a été érigée comme l'avènement d'une société libérée et moderne. L'étude de Mai 68 exige un éclairage du contexte politique, économique et social afin de saisir sa véritable portée : Mai 68 a-t-il été à l'origine d'un bouleversement profond des valeurs fondamentales de la société, véritable révolution culturelle ; ou bien l'anticonformisme, la transgression de l'ordre établi et le chaudron culturel que fut Mai 68 peuvent-ils se résumer à l'irruption spontanée d'un mouvement contingent sans répercussion autre que politique ?
Révolution culturelle à proprement parler, Mai 68 a bousculé l'ordre social, les représentations sociales de la France de la fin des années 1960, bouleversant les modes de vie, de pensée et les mœurs. Cependant, Mai 68 reste difficile à caractériser dans sa forme même, originale et novatrice, qui invite à nuancer l'appellation de révolution et à lui substituer l'idée d'un printemps culturel contingent dont l'incidence n'a pas été révolutionnaire dans le bouleversement des normes sociales établies : image d'un printemps culturel avorté par la satisfaction de revendications sociales et politiques. De fait, se pose finalement la question de la pérennité, des marques laissées par Mai 68 dans la société et ainsi la question de la légitimité de l'appellation de « révolution culturelle », probablement propre à une génération et dont l'interprétation peut être faussée par le regard contemporain.
[...] Mai 68 serait ainsi assimilable à un conflit de valeurs entre générations et à la nécessaire modernisation sociale et culturelle des modes de vie français à la fin des années 1960. Croissance du niveau de vie, diffusion massive de l'automobile, de la télévision, débuts des nouvelles structures commerciales, le visage de la société française a fortement changé depuis 1945, et les germes d'une révolution culturelle se font sentir à travers l'émergence de mouvements tels que le guévarisme, le soutien au Vietnam et le début de l'émancipation sexuelle. [...]
[...] Quelles marques ont été laissées dans la société par Mai 68 en tant que révolution culturelle ? L'idée que les jeunes peuvent avoir un pouvoir politique dans la société et remettre en cause l'autorité, que différents mouvements contestataires et revendiquant des intérêts propres à certains groupes (femmes, homosexuels, ) peuvent également avoir une influence ; cependant, la visée égalitariste de Mai 68, l'abolition des clivages sociaux, la mise en question de l'ordre social existant sont des thèmes qui ont trouvé un tout autre écho dans les générations suivantes. [...]
[...] La réforme Fouchet en en effet tenté en 1963 de réviser les dispositifs de sélection de l'université en distinguant un cursus long d'un cursus court, mais celle-ci a soulevé plus de protestations que d'approbation. Les nouvelles valeurs promues par les étudiants sont alors révélatrices de l'idée sous-jacente qu'une forte rigidité cloisonne les mœurs et les relations entre les individus dans la société : au-delà de la revendication du droit d'accès pour les garçons aux résidences universitaires des filles, il y a l'idée qu'une modification profonde des valeurs est nécessaire. [...]
[...] Aussi, les nouveaux acteurs et mouvements sociaux issus de Mai 68 échappent partiellement à l'idéal soixante-huitard, idéal dont la cristallisation en véritable révolution culturelle est à nuancer. Cependant, les interprétations de Mai 68 ont été multiples et soulèvent l'interrogation de sa déformation par le regard contemporain. * * * Mai 68 reste un grand événement ponctuel, original, propre à une génération : L'important est que l'action est eu lieu alors que tout le monde la pensait impensable écrit Sartre. Aussi, comment fournir une grille de lecture d'un événement jugé irrationnel par les contemporains sentiment d'irrationnel selon les mots de Aron) ? [...]
[...] Mai 68 pose la question de sa continuité, capitale si l'on souhaite mettre en évidence une révolution faite de changements sociaux fondamentaux sur la période qui suit. Mai 68 serait alors une révolution culturelle du point de vue des formes de revendication (originalité des formes d'expression, poids des mots mais une révolution sans continuité, qui n'a pas su pérenniser ce poids nouveau donné à la parole et le consensus entre ouvriers et étudiants. Simple irruption d'un printemps culturel, irrationnel et contingent, dont les germes révolutionnaires ont été avortés par la satisfaction de revendications sociales et politiques plus terre-à-terre, l'après Mai 68 se trouve dans les accords de Grenelle (augmentation du SMIG, réduction du temps de travail), une réforme du système éducatif et la stabilité institutionnelle. [...]
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