Sur la Télévision, Bourdieu, sociologie contemporaine, journalistes, circulation de l'information
Sur la Télévision est un livre à ne pas mettre entre toutes les mains. Apprentis journalistes, passez votre chemin, ou vous risqueriez bien d'être dégoûté à jamais du monde qui vous attend. Quoiqu'en y réfléchissant bien, attendez un instant avant de ranger P. Bourdieu au placard. Car le sociologue français dispose de quelques arguments qui pourraient bien vous permettre de lire plus sereinement son analyse. Si l'on conçoit, comme le conçoit l'auteur, que la sociologie existe pour mettre en lumière les contraintes pesant sur les individus afin que ces derniers s'en libèrent, alors, oui, ce livre pourrait vous être d'une grande aide dans la lutte qui vous attend – vous, apprentis journalistes – avec les contraintes du milieu.
[...] On copie le voisin de peur que ce même voisin ne nous distance. L'argument est intéressant, car, comme le souligne Bourdieu, il entend s'opposer à la pensée traditionnelle qui voit la concurrence comme un moyen de diversifier l'offre, au contraire du monopole qui tendrait à uniformiser cette même offre. Dans le monde journalistique, c'est l'inverse qui se produit. Le passage suivant est un passage clé, qui permet de mieux saisir l'argument de P. Bourdieu : Personne ne lit autant les journaux que les journalistes, qui, par ailleurs, ont tendance à penser que tout le monde lit tous les journaux. [...]
[...] Même s'il nous est répété tout au long du livre que l'argumentaire qui y est développé n'est pas là pour blâmer les journalistes ou pour regretter un certain âge d'or de la télévision, on ressent malgré ces avertissements, un rejet du monde journalistique actuel et de la télévision d'aujourd'hui. Les journalistes y sont vus comme étant des personnages de peu de bonne foi, peu cultivés, parfois même dangereux. La télévision quant à elle n'est que le fruit du travail de ces hommes peu cultivés. Elle n'est qu'un ramassis de vulgarité, à l'intérêt culturel proche du zéro. [...]
[...] On ne peut nier le fait que la télévision connaît des excès dans ces domaines. On sait aussi que la télévision avait comme but originel d'être un moyen de démocratisation de la culture. Mais, la question n'est pas de savoir si elle devrait retrouver ce statut originel. Non, la vraie question est la suivante : pourquoi la télévision devrait-elle être le garant d'une culture accessible au plus grand nombre ? Voir la télévision comme un loisir plutôt que comme une boîte à images culturelles austère ne signifie pas que les gens qui la regardent sont totalement ignorants. [...]
[...] Bourdieu laisse cependant perplexe. Car ce qui dérange le plus avec l'œuvre bourdieusienne, c'est avant tout sa forme. Méprisante. Boudieu entame son livre en nous expliquant qu'il vulgarisera ses termes afin que chacun d'entre nous puisse le comprendre. De même en ce qui concerne les journalistes. Ces êtres à la culture limitée seraient incapables de comprendre les contraintes qui s'appliquent dans leur milieu sans l'intervention presque divine de P. Bourdieu. Ce dernier assimile la sociologie (qu'il appelle sociologie critique à une mission salvatrice. [...]
[...] Et, pour le prouver, il suffit de casser une norme quotidienne et d'observer la réaction négative que cela entraîne. La sociologie n'est donc pas là pour révéler des choses cachées puisque ces choses sont parfaitement intériorisées par les sujets. On ressent tout au long de la lecture de l'ouvrage un certain dédain de la part de P. Bourdieu à l'égard des sujets qu'il étudie ; à savoir : les journalistes. Or, ces mêmes journalistes sont, je le crois, parfaitement conscients des contraintes qui pèsent sur leurs milieux. [...]
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