Interdit, société contemporaine, mai 68, ordre social, individualisme, société démocratique, cohésion sociale, Covid-19, pouvoirs publics, figures héroïques, désobéissance civile, fracturation sociale
"Il est interdit d'interdire" scandaient les manifestants lors de la révolution estudiantine de mai 68. Las d'un ordre social établi, ne se retrouvant plus dans les nombreux interdits moraux de leurs aînés, la jeunesse francilienne lançait alors un mouvement de grève qui prenait rapidement une ampleur inédite. Moyennant le ralliement des jeunes de tout le pays ainsi que des ouvriers, le mouvement entraînait la paralysie du pays et une crise politique majeure.
Mai 68 illustre un mouvement de contestation de l'interdit. Ce dernier s'apparente à une ligne rouge, une forme de contrainte, interne ou externe à l'individu, et qui lui dicte le comportement à adopter ou à ne pas adopter dans le cadre social. L'individu qui se voit opposer un interdit se voit ainsi prescrire le fait de s'abstenir de faire, ou de s'abstenir de ne pas faire - dans ce dernier cas il s'agirait en réalité d'une obligation.
En ce sens, "l'interdit" regroupe en réalité une multitude d'interdits, au pluriel : ces derniers peuvent en effet être de nature morale, sociale, religieuse ou encore légale.
[...] Mais, alors que les Français semblent ne plus supporter les interdits verticaux, il semble important de remédier à leur vice principal, qui est leur caractère contraignant. Pour cela, il faut entraîner les citoyens à des réflexes naturels, un vouloir-vivre ensemble spontané et ne découlant pas d'interdits édictés : la cohésion sociale serait alors maintenue sans que ne s'exprime le caractère réfractaire des Français. Il est à ce titre évocateur que, dans sa décision relative à la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, communément appelée loi anti-burqa , le Conseil constitutionnel ait validé l'interdiction portée par le texte comme résultant d'un vivre ensemble nécessaire à toute société démocratique. [...]
[...] L'abolition des interdits est-elle envisageable, voire même souhaitable, dans la société contemporaine ? Afin de comprendre le mécanisme de défiance naturelle dont est empreinte la société française, et qui nécessite d'intégrer une dimension consensuelle de responsabilité dans les interdits il faut au préalable comprendre le rôle de l'interdit, lequel a été marqué par une ambivalence au service de l'unité comme de la fracturation de la société L'interdit, un instrument ambivalent au service de l'unité comme de la fracturation de la société Pourquoi enseigne-t-on à l'enfant qu'il ne faut pas montrer quelqu'un du doigt ? [...]
[...] L'interdit dans la société contemporaine Il est interdit d'interdire , scandaient les manifestants lors de la révolution estudiantine de mai 68. Las d'un ordre social établi, ne se retrouvant plus dans les nombreux interdits moraux de leurs aînés, la jeunesse francilienne lançait alors un mouvement de grève qui prenait rapidement une ampleur inédite. Moyennant le ralliement des jeunes de tout le pays ainsi que des ouvriers, le mouvement entraînait la paralysie du pays et une crise politique majeure. Mai 68 illustre un mouvement de contestation de l'interdit. [...]
[...] Il s'agit, pour le membre d'une société primitive, de la crainte d'être chassé de sa tribu ; pour le chrétien, de la crainte de ne point voir exaucer le salut de son âme ; pour le citoyen qui s'adjoint au contrat social, de la crainte de la violence de ses pairs. La crainte permet ainsi une forme de cohésion sociale par l'imposition d'un respect d'autrui et de sa liberté. Selon l'aphorisme bien connu, la liberté s'arrête là où commence celle des autres , et l'individu qui craint les enfers ou la prison sera donc porté à respecter la liberté de son prochain, permettant à la Cité de vivre en paix. [...]
[...] Ainsi, nombre d'interdits parfaitement légaux ont pu être posés par les pouvoirs publics, tout en se montrant particulièrement injustes. Les lois raciales de Vichy qui interdisent aux juifs de pratiquer certains métiers ou de se rendre en certains lieux en sont l'archétype. Pareillement, les lois qui interdisaient aux femmes, jusqu'au milieu du XXe, de détenir un compte en banque, ou de travailler sans l'accord de leurs maris. Ces interdits, parce qu'ils sont posés à certaines catégories d'individus, loin de permettre la cohésion sociale, fragmentent au contraire la société. [...]
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